Clients buvant des bières à la brasserie des anges buvant des bières avec Stéphanie Coulange

Parlons peu mais parlons bière # 3

De nouvelles péripéties zythologiques (la zythologie est à la bière ce que l’œnologie est au vin) vous attendent dans ce troisième épisode de Parlons peu mais parlons bière. Je suis allé rencontrer pour vous Stéphanie Coulange, fondatrice de la Brasserie des Anges à Chamboulive. Un retour aux racines du brassage et de la fabrication de cet incroyable breuvage.

Jeudi 28 mars, une de ces superbes journées, presque estivales, de cette fin d’hiver 2019, date à laquelle Stéphanie m’a proposé de venir faire un tour à la brasserie car elle brasse tous les jeudis. Je suis donc parti pour Chamboulive (toujours à bord de ma fidèle 4L pour ceux qui suivent). Et, ne connaissant pas le lieu de brassage proprement dit, j’ai décidé de tester si on pouvait trouver facilement la brasserie, sans GPS, à l’ancienne, comme au siècle dernier. Eh bien c’est très simple, il suffit d’entrer dans le bourg de Chamboulive, de rester attentif, et un joli panneau (sur la droite en venant de Tulle), quoique peu lisible de loin, permet de rapidement trouver la place qui héberge la Brasserie des Anges. Moi qui espérais me perdre à moitié dans les champs et dans les bois avec ma 4L tout-terrain, je suis presque déçu…

Intérieur de la brasserie des anges avec plusieursde bières artisanales à Chamboulive en Corrèze

« Ici on brasse
comme au 18ème siècle »

Un grand hangar en parpaings, qui, me dira plus tard Stéphanie, accueillait un magasin de jardinage et agriculture, est surmonté d’une enseigne toute neuve. L’immense porte est grande ouverte et une petite barrière en bois empêche le gentil chien de Stéphanie de venir divaguer sur la route. Ce qui attire l’œil en entrant, c’est cette caravane (ou mobile home je ne suis pas spécialiste) qui trône fièrement au fond du hangar. Puis, très vite, le gros chaudron en cuivre et le feu de bois en dessous amènent à se questionner. D’autant plus qu’un tuyau semble sortir du chaudron pour aller dans un gros tonneau de bois et une belle vapeur se dégage de ce dernier… On m’avait prévenu que Stéphanie brassait à l’ancienne, et le terme n’est pas exagéré. Celle-ci m’accueille avec un grand sourire et je pose très vite plein de questions. Aujourd’hui, j’oublie le format interview et les questions préparées à l’avance, tout ça m’intrigue beaucoup trop.

Ici, on brasse de la même façon que l’on brassait au 18ème siècle. Il doit y avoir quatre ou cinq brasseurs en France à utiliser ces techniques (sur environ mille-quatre-cents brasseurs artisanaux) et Stéphanie doit certainement être la seule femme du lot. Le feu de bois a été allumé sous le chaudron de cuivre au petit matin et ce n’est que vers 14 heures que les cinq-cents ou six-cents litres d’eau sont montés aux 75 °C nécessaires à l’étape suivante, celle de l’empâtage. à l’aide d’un tuyau et du phénomène des vases communicants, Stéphanie transvase une partie de son eau chaude dans le fût de chêne qui servira à l’empâtage puis à la fermentation. Elle ajoute ensuite une partie du malt (c’est-à-dire des céréales torréfiées : blé, orge…) puis commence à brasser (elle touille, quoi…) le tout à l’aide d’une fourche en contrôlant régulièrement la température du mélange à l’aide d’une sonde maison bricolée à partir d’une sonde de four. Elle laisse reposer un peu, elle rajoute de l’eau, elle brasse, elle rajoute du malt, elle re-brasse, et ainsi de suite toujours en contrôlant très régulièrement la température du mélange. L’opération a l’air très physique et je dois avouer que c’est assez impressionnant. Le mélange sera ensuite filtré, bouilli puis mis à fermenter dans le fût avant mise en bouteilles de cinquante centilitres ou en magnum de deux litres.

Stéphanie Coulange en train de brasser la bière dans la brasserie des anges à Chamboulive en Corrèze

« Une bière,
ça se partage »

Pendant l’opération de brassage nous discutons à bâtons rompus et Stéphanie raconte. Née à Nevers, ses grands-parents ch’tis ont instillé la bière dans la culture familiale. Comme beaucoup de micro-brasseurs, elle a commencé à brasser en amateur dans sa cuisine et avec succès auprès des potes qui sifflent toute la production et qui en redemandent, l’idée vient d’en faire un métier. Souvent, le problème quand on veut s’installer, c’est le financement. Et le matériel de brassage est synonyme de gros crédit, avec toutes ces cuves en inox et ces machines d’étiquetage ou d’embouteillage. Et ça, Stéphanie n’en voulait pas (et n’en veut toujours pas). Un peu par hasard, lors d’une visite au parc du Bournat au Bugues, un parc à thème recréant un village de 1900, elle tombe sur l’échoppe du brasseur qui est en train de brasser à l’ancienne. C’est la révélation quasi instantanée, elle y passe la journée (et ne voit certainement rien du reste du parc) puis y revient pour de petits stages de formation. C’est ensuite avec l’aide et le matériel de Boris de la Brasserie corrézienne (cf. LTC N°22), qu’elle fait ses premiers brassins à l’été 2013.
Finalement, elle trouve avec beaucoup de chance un chaudron en cuivre, un fût de chêne et c’est parti pour la vie de brasseuse.

Vous l’aurez compris, à la Brasserie des Anges, rien n’est mécanisé. Les volumes produits sont donc faibles, environ cent-quatre-vingts litres par brassin ce qui donne une cinquantaine d’hectolitres par an. Toute la production est vendue localement et une grosse partie en vente directe. Pour goûter la bière des Anges, le plus simple c’est de se déplacer. Cependant, Stéphanie réussit à proposer sept références de bières différentes, dont des séries limitées. Les deux dernières en date, elle me les a fait déguster entre deux ajouts de malt dans le tonneau. La première est la plus surprenante par son origine. Elle est réalisée à partir d’un houblon sauvage qui pousse naturellement du côté de l’abbaye d’Aubazine, certainement échappé des jardins des moines à l’époque où ils brassaient. Difficile de faire plus terroir et plus local. La seconde est la toute dernière née, et celle-ci surprend par son goût. Une bière blanche au blé noir qui mérite le détour. Ce sont toutes deux des bières que l’on ne trouve nulle part ailleurs. Le brassage à l’ancienne et le passage en fût leur apportent un caractère bien trempé, à l’image de leur brasseuse.

« Une bière, ça se partage », c’est le slogan de la Brasserie des Anges. C’est d’ailleurs pour ça que vous ne trouverez pas de bouteilles individuelles chez Stéphanie. C’est pour ça aussi qu’elle a acheté une licence IV dès qu’elle a pu et qu’un des coins du hangar accueille un comptoir, quelques tabourets, tables, chaises, canapés et… motos ? Et tous les vendredis à partir de 18 heures, le bar est ouvert et les amateurs de bière locaux s’y retrouvent dans une ambiance conviviale et décontractée. Cette envie de partage se ressent et la passion que Stéphanie a de son métier est visible et communicative, la rendant passionnante.

Je vous invite à lui rendre visite, un jeudi tant qu’à faire, pour voir le brassage et écouter ses explications ou un vendredi pour boire un coup. Passez-lui un petit coup de téléphone pour vous assurer qu’elle y sera bien et que vous ne la dérangerez pas et elle sera ravie de vous accueillir, elle me l’a dit.

Cette route de la bière en Corrèze, entamée fin 2018, me réserve décidément de bien belles surprises. Et c’est avec impatience que j’attends la prochaine étape de notre série dans laquelle je compte bien aller rencontrer Alex Fonseca de la Fabrique de bières de Donzenac. En attendant, je vous souhaite de belles soirées houblonnées avec modération (ou pas, c’est vous qui voyez), on se retrouve dans le prochain numéro de votre Trousse préférée.

Recueilli et interprété par Olivier Garcin

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