Un jugement positif est un jugement

Mince, on avait compris qu’asséner des jugements négatifs à nos enfants était délétère, et on commençait à bien savoir faire côté positif… Et ce ne serait pas (forcément) bon ? J’avais lu cette idée, je l’observais et la sentais importante : « un jugement positif est un jugement ». Puis un jour, Jade, 2 ans ½, est arrivée avec son papa. J’ai alors pu mesurer la pression que l’on peut mettre à nos enfants à vouloir être trop positif.

Jade et son papa gaga

Enseignante de (dé)formation, j’ai désormais opté pour les apprentissages autonomes et ouvert un lieu dédié à ce concept. Jade, petite fille très éveillée, vient sur un temps d’atelier libre avec son papa. Elle connaît déjà les lieux et part explorer les jeux avec joie. Son papa la suit de près et me raconte à coups d’anecdotes à quel point elle est douée. À chaque fois, Jade délaisse le jeu en cours et passe à un autre. Lorsqu’elle se pose pour dessiner, son papa ponctue ses tracés de « c’est beau ! », « c’est très bien ! ». Je constate que le sourire de Jade se crispe, imperceptiblement. Qu’à chaque « compliment », le trait ralentit, ou s’arrête. Qu’elle ne se laisse plus guider par le plaisir de sa trace, mais refait ce que son papa a dit être beau. Jade est mal à l’aise, comme empêchée de vivre sa vie.

Valoriser au bon niveau

Ce papa, bien intentionné, semble valorisant pour sa fille. Mais à trop vouloir valoriser, il lui propose de faux repères. Imaginez des invités, qui vous diraient d’un plat que vous savez raté : « Quel délice ! ». Une amie qui vous complimenterait sur votre tenue « splendide » alors que vous vous êtes habillé dans le noir ce matin ? Il se pourrait bien que vous les pensiez malhonnêtes, voire moqueurs. Pour Jade qui est en pleine construction, difficile de se situer sereinement dans tout cela.

J’envisageais aussi que Jade, à force d’entendre tous ces « très bien ! », devait se dire que son papa était drôlement content quand elle faisait bien. Et comme tous les enfants, Jade aimant faire plaisir à son papa, allait chercher ce qui lui faisait plaisir. Elle allait donc reproduire, retenter, avec comme objectif : regagner un nouveau « très bien ». En cherchant à plaire à son père, Jade se perd de vue peu à peu.

Décrire, exprimer son ressenti, remercier

Un enfant nous tend son dessin ? Accordons-y quelques secondes de réelle attention. Décrivons ce que nous voyons : « Toutes ces couleurs ! Je vois des papillons. Ces arbres sont drôlement grands ! ». Ou questionnons : « Qu’est-ce que c’est, là ? Où va-t-il ton bonhomme ? » Cette attention de qualité donne aux enfants ce dont ils ont réellement besoin : notre sincère intérêt pour ce qu’ils sont. Et si nous trouvons un dessin réellement beau, touchant ? Disons-le ! En expliquant pourquoi : « ça me plaît quand il y a plein de couleurs, je suis émue que tu aies dessiné toute notre famille ! ».

Quant aux actes, permettons aux enfants d’avoir accès à nos ressentis, à nos besoins. Pour qu’ils agissent avec sens et non par obéissance aveugle. Il range ? « Merci ! Parce que c’est important pour moi d’avoir une maison rangée ». Cette fois il a dit bonjour ? « Ça a dû lui faire plaisir à la dame que tu lui dises bonjour. » Cela leur donne accès à nos besoins et augmente leur capacité d’empathie. Et un monde rempli d’empathie, c’est bon, non ?!

par Delphine Laval

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