Schéma de la fermeture abusive de Homade à Brivezac

HOMADE ALORS !

« L‘état des locaux compromet gravement la sécurité du public », Arrêté 2019-12-16, Brivezac… C’est que nous l’avons échappé belle ! Parce que nous y étions, nous, équipe de la Trousse, quelque temps auparavant dans le Homade de Nomadways… Le dernier public… J’ai eu une suée en lisant cet arrêté du 16 décembre 2019 de la mairie de Beaulieu-sur-Dordogne à laquelle est rattachée la trop petite bourgade, pour exister, de Brivezac.

Trois jours dans le Homade, brrr

Le Homade est une vieille grange aménagée en plein cœur du bourg. Nous y étions pour repenser notre Trousse. Moi qui pensait que nous ne serions jamais que des petits reporters sans panache, nous avons ces jours-là – certes à notre insu mais tout de même – fait preuve d’un courage et d’un aplomb incroyable. Il est mis en lumière aujourd’hui. Merci. Remarquez, nous avions bien préparé l’expédition : nous avions emporté tout ce que notre garde-robe comportait de thermolactyl, de laine et de plumes. Gelés pour autant tout au long du séjour, nous constatons paradoxalement aujourd’hui à quel point nous avons eu chaud !… Doux rêveurs inconscients, nous avions dormi comme des bébés dans des containers en bois sans fenêtre et sans issue, nous laissant bercer par le souffle des oiseaux et le sifflement du vent dans les ardoises, un peu grisés peut-être, mais surtout contents d’avoir réussi à gagner notre caisse à dodo sans tomber de la plus raide – que nous – échelle en bois…

Sous le charme de la poésie des lieux…

La commission de sécurité n’a pas été sous le charme, elle. En une heure elle a fait le topo. Et qui trouve que l’administration française a des lenteurs en des endroits – pour attribuer des autorisations de séjour par exemple –
constatera, ici, son efficacité redoutable. Le courrier indiquant sa visite inopinée était à peine reçu que les mesdames et messieurs de la sous-préfecture de Brive, de la mairie de Beaulieu, du simili de Brivezac, des pompiers et de la gendarmerie étaient déjà sur le pas de la porte en tenue et le doigt sur la couture. La visite a lieu le 13 décembre. L’arrêté municipal de fermeture est rédigé le 16, et le 19 le courrier est tapé et envoyé dans la foulée avec tout le topo. Il est simple le topo : « à l’unanimité la commission déclare que le lieu contrevient aux règles de sécurité et de panique et que l’établissement doit être fermé immédiatement. » Un trou, l’association Nomadways est tombé dans un trou.

L’aventure Nomad

Et pourtant, jusque là, l’aventure était idyllique. 2014, le ciel est bleu et l’eau scintillante plus encore… Le soleil dardant l’horizon illumine les corps soyeux… Nous sommes en Grèce lors d’un rassemblement inter-européen de services volontaires. Un petit groupe hétéroclite et polyglotte s’entend pourtant pour mettre au travail la question de l’art dans l’éducation et du social dans l’art, et aller ainsi sur des voies nomades à travers les frontières. L’association Nomadways est née. Et comme son nom l’indique, elle n’a alors pas d’autre attache que de créer des points de rencontres, ici et là, d’artistes, d’éducateurs, de professeurs de tous pays et dans tous les pays pour causer art et éducation… Ainsi va Nomadways pendant trois ans… En 2017, quelques-uns se disent : « Chouette d’être nomade mais ce pourrait être bien de développer une base pour se retrouver et faire de la co-création. »

L’enracinement Nomad

Boudiou pourquoi donc la Corrèze ? Pourtant pas de Corréziens, ni iennes, dans le groupe. Mais cette grange dans le bourg de Brivezac est exactement ce qu’ils recherchent à travers le vaste monde (qui leur est accessible)… Il y a là un petit bourg sympathique, de l’espace, un peu de terrain, de la campagne, et un tout petit prix. Puis surtout il y a un réseau social existant et alors vigoureux, dont feue Kacalou à Beaulieu. Comme me dit Anne, ils ont un véritable « coup de cœur pour la Corrèze, sa nature et son environnement humain ». Ils achètent. Il ne reste plus qu’à… Un appel est lancé dans le réticulaire réseau transfrontalier. ça répond, ça converge de toute l’Europe pour donner la main. Quelques habitants du village viennent se greffer à l’élan. « Un coup de main précieux en termes de savoir-faire bricolage que nous n’avions pas », me raconte Anne qui précise : « c’est en tout une centaine de personnes qui est venue construire ce lieu. »

Le déploiement Nomad

L’histoire nomade prend racine et la terre d’ici semble bien aussi féconde que pressenti. Nomadways a maintenant un lieu et l’ancienne grange un nom : le homade. Alors ça se déploie. En 2017, il y dans les murs un premier atelier. C’est encore de l’entre-soi mais ça donne des idées. En 2018 le Homade devient tiers lieu : en plus de faire des ateliers immersifs, l’association affiche maintenant un espace de co-working, un petit coin ressource, un mini-bar, un lieu d’événements culturels… En 2019 tout ça prend encore de l’ampleur. Cinq jeunes personnes du collectif décident de poser leurs valises en Corrèze… Anne et son compagnon ont un enfant. Au bord de 2020, l’avenir est à l’ancrage dans ce coin du monde, dans la chaude douceur humide du cocon vert, développer le mycélium, s’ouvrir encore…

La fermeture du Homade

On ne saura certainement jamais par quel mauvais vent l’entreprise innovante, collective et joyeuse est venue grattouiller les sens irascibles des institutionnels en charge de la réglementation des établissements recevant du public, dits ERP. Un vent à aliéner sans doute toute horde qui irait contre, soufflant tout autant dans le sens de l’entreprise innovante que dans celui de la coercition régalienne. Soit. En tout cas il serait trop simpliste dans cette histoire de faire passer l’administration pour les méchants. La réglementation ERP qui s’applique ici n’est pas une diabolique abstraction bureaucratique. Elle a été élaborée empiriquement des expériences tragiques passées. C’est avant tout un recueil de bonnes pratiques. Elle s’applique à tout les établissements recevant du public. Et puisque être tiers lieu non ouvert au public est oxymoron, il n’y a pas de raison que le Homade de Nomadways y échappe.

La norme qui tue le droit à l’initiative

En même temps, il n’est pas moins vrai qu’une norme qui n’inclut pas suffisamment est une norme qui crée mécaniquement de la déviance et de la sclérose dont l’issue ne peut être que fatale. Pour Nomadways la sanction est sans appel. La norme les tue. Volonté ou non, c’est un fait. Pour se mettre en règle ils sont tenus à l’impossible : il faudrait que la modeste association puisse se payer un architecte, des entreprises RGE (Reconnu garant de l’environnement) et détruire tout ce qu’ils ont construit. Ce qui est tout aussi remarquable que regrettable dans cette histoire, ce n’est pas tant qu’il existe une réglementation applicable par tous qui garantisse la sécurité des personnes accueillies dans un établissement, ni même que les contrevenants soient sommés d’être dans les clous, mais c’est qu’il n’existe aucun service public associé qui accompagne les citoyens créateurs dans la prise en compte de la réglementation pour se l’approprier. C’est dire finalement que le droit à l’initiative n’existe pas, puisque, de fait, il n’est pas accessible à tous.

La question qui tue : une commission de sécurité sans issue de secours
est-elle une commission valable  ?

Nomadways va tenter un recours auprès de la commune de Beaulieu. Un courrier doit partir. J’ai appelé de mon côté pour m’enquérir de l’après, pour savoir ce que la commission entrevoyait pour sortir Nomadways de la crevasse dans laquelle elle est tombée. Monsieur le maire était occupé et l’employée de mairie référent a invoqué son devoir de réserve. Et puis m’a t-elle dit : « tout est indiqué dans le courrier, lisez-le ! » Oui tout, tout ce qui ne va pas, mais pas la réponse à ma question. Comme j’insistais, elle m’a dit de faire un courrier. Et comme j’insistais encore, elle a pris mon numéro de téléphone pour que monsieur le maire me rappelle. Il a dû oublier… Là, des balles dans les yeux, ici, des bâtons dans les roues. Jusqu’où la négation des citoyens, comme partie prenante de la révolution permanente de la Chose publique va t-elle pouvoir aller ?

par Philippe Van Assche

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