Portière criblé de balle vu pendant une visite de la gendarmerie

À TULLE, de la gendarmerie au tribunal

Que faire en vacances dans le pays de Tulle ? Balades en famille, VTT, baignades en eau chlorée ou colorée. Festivals de musique et de théâtre. Visites, peut-être : les cascades de Gimel ? La Queue de cheval (sans l’extraordinaire effet mousse offert par Eyrein-Industrie en juillet 2018)¹ est bien menue en ces temps de sécheresse. Côté expositions, on convoque la mémoire locale : la sempiternelle figure de Gaston Vuillier, la vie ouvrière à la Manu, l’électrification des campagnes corréziennes, l’histoire des Nuits de nacre en photos, des cartes postales du Paris-Orléans-Corrèze ou de Gimel au début du 20ème siècle. N’y a-t-il rien du présent à donner à voir aux estivants ? Eh bien, si ! Des fermes d’élevage, la fabrique d’accordéons Maugein (un grand classique), une brasserie artisanale et… l’école de gendarmerie ou encore le tribunal de grande instance de Tulle.

Il y a quelque chose d’incongru dans ce tableau où des touristes en short et chaussés de tongs pénètrent, décontractés, en des lieux qui symbolisent les fonctions régaliennes parmi les plus hautes de la République : l’ordre et la sécurité d’une part, la justice d’autre part. En fait de touristes, ces deux visites proposées par l’office de tourisme intercommunal ont plutôt intéressé des locaux. L’École de gendarmerie, qui s’étend tout de même sur dix-sept hectares, paraît bien peu peuplée en plein cœur de l’été : fin de formation et prestation de serment pour nombre d’élèves, permission estivale pour d’autres. Mais, même peu nombreux, un bataillon en exercice a de la voix, qu’il chante une berceuse militaire ou qu’il répète en hurlant, au pas de course, « trois, quatre » en réponse au « un, deux » d’un instructeur. Des Tullistes habitant à l’autre bout de la ville, sur la colline opposée, m’ont affirmé qu’ils entendaient fréquemment et assez distinctement les chants mélodieux portés par des voix viriles.

À propos de virilité, donc de genre, l’aspirant Espagnol, c’est le nom de cette jeune volontaire de vingt-cinq ans qui cornaque le groupe de visiteurs, indique que les effectifs féminins atteignent à présent 20 % chez les jeunes élèves gendarmes. Elle en est elle-même le témoignage. Même si elle ne s’est pas présentée comme Aspirante Espagnol.

Hormis les généralités sur la formation (sens de l’engagement et du dévouement, discipline, dépassement de soi, patati patata) ne sera donnée qu’une réponse laconique sur la manière dont l’actualité résonne dans la formation militaire des futurs gendarmes : on pense ZAD et gilets jaunes. Le passage dans l’une des salles de tir où s’entraînent quelques élèves aurait pu donner l’occasion d’un échange plus nourri sur l’usage des armes et l’attitude des forces de l’ordre avec l’instructeur présent, qu’on aurait presque cru en veine de confidences et enclin au questionnement. Mais la matinée s’achevait et il fallait bien quitter ces lieux attachants.

Si, contre toute attente, les mesures de sécurité à l’occasion de cette visite se sont révélées, pour les personnes étrangères à l’École de gendarmerie que nous étions, plutôt approximatives, ce n’était absolument pas le cas trois jours plus tard au tribunal de Tulle : contrôle minutieux des sacs, portique, consignes strictes… C’est l’une des greffières du tribunal qui nous accueille et nous guide dans les trois principales salles d’audience. Elle fut un temps commerçante à Tulle. On comprend très vite que son activité professionnelle dans l’administration judiciaire la comble, quand bien même fait-elle fréquemment entrer deux journées dans une seule. « On sait à quelle heure on arrive. Jamais à quelle heure on quittera le tribunal » et d’ajouter : « ici, qu’on soit magistrat, greffier ou à la sécurité, il y a peu d’enfants au sein des familles. »

Alors que des clivages de tous ordres traversent notre société, que des jugements à l’emporte-pièce, de plus en plus violents dans les mots, que les postures d’intolérance se multiplient, relayés qu’ils sont par des imbéciles que manipulent des communicants pervers, notre petit groupe écoutait une femme parler avec sensibilité et justesse de son quotidien au contact direct de la misère sociale, de plus en plus fréquemment, de familles effondrées, parfois divisées, de détenus dont, pour les plus jeunes, la vie peut s’arrêter nette et définitivement au seuil de la geôle, et bien sûr au contact, à travers les parcours de vie, de l’extrême violence et de l’atrocité.

« Ne croyez surtout pas ceux qui clament à l’envi que la prison, c’est les vacances, c’est le Club Med, qu’on y est au chaud pour l’hiver ! »

Au cœur de la ville préfecture, le tribunal accueille chaque mardi une classe de 4ème de collège corrézien pour des audiences en correctionnel. Périodiquement, une classe de seconde de lycée du département vient simuler une audience autour d’une affaire à juger. Faut-il rappeler, en outre, que, sauf exception, les audiences en correctionnelle comme en assises sont publiques.

¹ – Importante pollution de la Montane provoquée par des détergents fabriqués par l’entreprise Eyrein Industrie. L’une des cascades de Gimel est baptisée « la Queue de cheval ».

Par Didier Bertholy

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