Le RAF s’installe en Corrèze

Le Réseau pour les Alternatives Forestières (RAF) est une association loi 1901, qui a dix ans d’existence. Son rayon d’action est national et il vient juste de déménager : venu de l’Ardèche, son bureau s’installe sur la commune de Cornil, à Lauconie au Battement d’ailes, dans un local mis à disposition par le centre agro-écologique. Comme son nom l’indique, le RAF travaille pour favoriser une autre vision de la forêt, dans une approche beaucoup plus diversifiée et respectueuse du vivant que celle qui s’impose de plus en plus aujourd’hui, industrielle et extractiviste(1). Nathalie Naulet, une des salariées du RAF, répond aux questions.

Le RAF, c’est qui ?

Plusieurs administrateurs habitent en Corrèze, Fanny Colin par exemple, engagée dans le projet de scie mobile de Faîte et Racines(2), sur le pays d’Argentat ; deux autres sont en Creuse. Nous avons voulu nous rapprocher d’eux. Nous sommes une association nationale, avec des adhérents dans pratiquement tous les départements : des personnes morales, en amont et en aval de la filière bois (des entreprises : charpentiers, menuisiers, etc.), des adhérents au nom de leur structure, et des individus, environ quatre-cents selon les années. Et beaucoup de sympathisants !

Des branches locales sont en train de se monter en Auvergne, en Bretagne, en Isère…, d’abord composées de militants bénévoles.

Quelles sont ses activités ?

Les missions du RAF consistent à mettre en réseau les gens qui œuvrent dans les alternatives forestières, différentes des agissements des filières conventionnelles, dans la gestion des forêts. C’est un réseau très diversifié : des citoyens concernés, des professionnels de la forêt, des propriétaires et des gestionnaires, des artisans et autres pros du bois, des naturalistes et amoureux des forêts…

Cette diversité se retrouve bien-sûr dans le conseil d’administration du RAF : des propriétaires, des transformateurs-charpentiers, des citoyens(3).

Donc, revenons à nos missions : mise en lien, formation/partage des savoir-faire, sensibilisation et information (animer un café-forêt, accompagner des scolaires, organiser une intervention pour le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement (CAUE)(4) en Ardèche, etc.).

Très important, la multifonctionnalité de la forêt ! Comment se comporter, savoir être en forêt ; rendre les choses possibles : le gestionnaire ne rencontre pas forcément le menuisier qui a besoin de tel type de bois, le bûcheron ne connaît pas forcément le genre de nid de cet oiseau assez rare dans le secteur que lui présente le naturaliste… On prend le temps de se poser, d’échanger, de se rendre compte qu’on a le même problème, la même stratégie ! Les distances géographiques sont souvent importantes mais la comparaison et les échanges, l’aide mutuelle peuvent être très riches !

Vous passez votre temps à quoi ?

Je suis détachée au fonds de dotation du RAF, Forêts en Vie. Un fonds de dotation est un outil juridique, avec des règles administratives précises, qui permet de porter des activités d’intérêt général à but non lucratif. Il facilite l’acquisition de la forêt mise à disposition de porteurs de projets, associations et collectifs.

Être propriétaire, c’est un poids et sur du long terme… Nous redonnons du pouvoir au « commun », à la diversité des projets menés et au développement d’activités respectueuses de l’humain et des écosystèmes forestiers. Une forêt bien gérée mais avec des humains mal payés, mal considérés, bof ! Ils ne pourront pas faire du bon boulot, assurer un travail fin !

Les ressources du fonds de dotation proviennent de dons (numéraires), de donations (dons matériels/immeubles, du vivant de la personne) et de legs (quand la personne est décédée, argent ou terres). Les fonds de dotation, comme les fondations et les associations, recueillent des dons qui ne peuvent pas être récupérés par les donateurs ultérieurement.

Deux possibilités :

– Un proprio nous contacte : « Je veux vendre, mais pas à mes voisins(5), pas à n’importe qui… Je ne veux pas de coupe rase ! »

– Ou un porteur de projet vient nous voir : un groupe, une association, un collectif qui n’a pas de forêt en vue, ou qui n’a pas forcément l’argent ni l’envie de devenir propriétaire. Forêts en Vie recherche dans son réseau, un technicien forestier visite la forêt ciblée, des réunions sont organisées, etc., et le fonds de dotation peut alors proposer un bail forestier « Forêts en Vie », document-socle pour la mise à disposition de nos forêts. Il ressemble au bail rural environnemental de l’association Terre de Liens, mixte entre bail emphytéotique et obligation réelle environnementale. Les activités sont bien cadrées avec des clauses environnementales et la durée du bail est bien peaufinée : exemple, douze à quinze ans pour voir si les porteurs de projets développent leurs activités, puis quand l’association fonctionne on peut passer à un bail de quatre-vingt-dix-neuf ans.

Pour conclure ?

Il est important de récolter du bois… proprement. Avec une sylviculture douce, la forêt est « améliorée », amenée à évoluer sans bousiller l’écosystème. Par exemple, l’eucalyptus, censé être un arbre à planter chez nous pour remplacer les essences locales à cause du réchauffement climatique, c’est un gros risque de catastrophe écologique ! Dans quarante ans ? Qui peut savoir quel climat nous aurons dans quarante ans avec certitude ? On croit savoir mieux que la nature ce qui va se passer.

En fait, nous avons besoin de forêts diversifiées, avec de multiples espèces qui réagissent, et on observe. Point-barre.

CHRISTOPHE RASTOLL

(1) Extractivisme : système global, industriel qui tend à percevoir toute matière inerte ou vivante comme un minerai et qui s’appuie sur l’extraction des matières premières : bois, plantes, minerais divers, animaux et humains… quelque soient les coûts environnementaux et sociaux.

(2) L’association, qui possède ou gère cent hectares (ha) de forêts, a reçu une aide financière du RAF pour l’acquisition d’une scie mobile, et intervient à la demande dans un rayon local, variable ; l’investissement a été amorti en un an environ, signe qu’il y a une demande pour des petites structures.

www.faite-et-racines.org

(3) Par exemple, Julie, co-fondatrice de l’association États Sauvages qui a racheté des forêts dans le Morvan et dans le Cantal pour les laisser en libre évolution.

https://etatssauvages.wixsite.com/etatssauvages

(4) C’est un service public.

(5) Attention : à condition que la superficie de la vente dépasse quatre ha : en dessous, les voisins propriétaires forestiers sont prioritaires. La SAFER a en charge cette règle instaurée pour éviter le problème du morcellement et l’éparpillement des parcelles.

Pour aller plus loin :

Le site Internet du RAF : www.alternativesforestieres.org.

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