La manif anti-RN (Rassemblement National) du 23 juin, à Tulle, fut une expérience édifiante pour certains, en tous les cas pour moi qui fut toute ma vie dans le camp dominant (bien sûr sans l’avoir choisi). C’est que des mouvements féministes en avaient pris les rênes. Sans doute afin d’intensifier la lutte contre le patriarcat, mais surtout pour la défense de minorités en tout genre que l’arrivée au pouvoir du RN mettrait en danger. En particulier les minorités sexuelles et de genre.
Je n’étais pas du tout préparé à cela. Je me suis même, un instant, demandé si je ne m’étais pas trompé de manif’, de lieu ou d’heure. Car la plupart des autres semblaient bien être venus là pour défendre ces minorités, tandis que je n’y songeais guère. Je ne m’étais jamais demandé quelles catégories de personnes risquaient le plus en cas d’arrivée du RN au gouvernement. Pour moi, tout le monde était menacé et je n’allais pas voir plus loin. J’ai alors réalisé combien je sous-estimais non seulement les difficultés sociales rencontrées par les LGBTQIA+, mais aussi le nombre des personnes concernées et leur variété. Je tombais de haut !
Je fus donc, à cette manif’, plus spectateur qu’acteur. Un spectateur parfois sidéré car ne connaissant rien ou presque à ces communautés. Normal, j’ai 67 ans, j’ai grandi dans un monde où les queers se cachaient. À ma connaissance, le premier homo faisant partie de mon entourage durant mon enfance était un collègue et ami de mon père paysan, mais c’est seulement à l’adolescence que j’ai deviné son homosexualité. Beaucoup plus tard, il s’est publiquement déclaré « inverti », une façon de dire qu’ayant une attirance homosexuelle, il ne pratiquait pas et n’avait jamais pratiqué.
Mais, à l’époque, combien de queers avais-je côtoyé sans jamais le soupçonner ? Mystère ! Il y a quelques années déjà, un couvercle a sauté, mais il ne m’a volé à la figure que ce 23 juin. Dessiller les yeux prend du temps.
Par FRANÇOIS CHEVALIER