Dessin humoristique illustrant les élections des chambres d’agriculture : un homme en costume tente de pousser un tracteur, guidant maladroitement le conducteur avec "un peu plus à droite". Représentation ironique des influences politiques et des enjeux lors de ces élections cruciales pour l’agriculture.

Les élections des chambres d’agriculture arrivent

À ce stade du développement de l’humanité, n’en déplaise aux transhumanistes qui aimeraient nourrir directement nos cellules avec des nanorobots, nous sommes encore majoritairement dépendants d’aliments pour survivre, quelles que soient nos préférences en la matière : végan, pro viande, locavore, sans gluten, amoureux du fromage, du vin, de la bière…
Les élections des chambres d’agricultures se préparent, c’est pour janvier 2025 et cela vous concerne.

Le réseau des chambres accompagne les agriculteurs ainsi que les porteurs de projets et assure une fonction de représentation auprès des pouvoirs publics et des collectivités territoriales. Elles ont donc un rôle clé dans la définition de la politique agricole.
Les élections ont lieu tous les six ans, il y a dix collèges différents. Chaque agriculteur vote pour les représentants de la chambre de son département, il y a en tout 33 sièges. Le collège le plus important est celui des chefs d’exploitation, il représente à lui seul 18 sièges. En comparaison, le collège des salariés agricoles ne représente que 3 sièges. Les cotisants solidaires1, eux, ne votent pas (soit 14 % des cotisants non salariés). Pour chaque collège, la liste qui arrive en tête remporte 50 % des sièges, c’est un gros avantage au gagnant, le reste des sièges étant ensuite réparti proportionnellement au vote.
Ce sont les résultats des élections qui déterminent nationalement « la répartition de l’enveloppe ministérielle consacrée au financement public des organisations syndicales d’exploitants agricoles ». C’est l’une des raisons pour lesquelles il n’y a généralement pas de listes communes entre les syndicats, car leurs financements en dépendent.

En Corrèze, c’est la FDSEA2 qui tient la chambre, la Coordination Rurale (CR) et la Confédération paysanne (Conf’) sont au coude à coude avec deux sièges chacune (ceci dit la CR a réuni davantage de voix aux dernières élections en 2019, respectivement 25 % et 16 %), le Modef (mouvement de défense des exploitants familiaux) est aussi représenté avec un siège.
Depuis le mouvement social agricole de janvier, le mécontentement n’est pas retombé, de nombreux agriculteurs ont été déçus par les négociations menées par la FNSEA. Le problème principal est le revenu. La Conf’ s’inquiète, le vote CR est présenté comme une sanction pour la FNSEA et si cela prend, la chambre pourrait basculer. C’est ce qui s’est passé en Haute-Vienne où la chambre est depuis 2019 majoritairement CR.
Les conséquences peuvent être lourdes, les chambres sont en lien avec l’ensemble des agriculteurs, a minimapar l’envoi des lettres d’informations et de bulletins techniques. Elles ont une forte capacité d’influence à la fois sur le présent et sur la construction de l’avenir. Avec les Points Accueil Installation Transmission (PAIT), « véritable porte d’entrée unique pour tous projets d’installation en agriculture », la chambre d’agriculture départementale « informe et oriente tous les porteurs de projet. [Le PAIT] accompagne également les agriculteurs avec ou sans successeur qui souhaitent transmettre leur exploitation. ».

Les positions. Si on continue avec la FDSEA, on assistera à une accélération de la politique agricole actuelle.
La CR s’oppose à la FNSEA surtout sur les accords de libre-échange, mais reste alignée sur de nombreux points, notamment l’utilisation des pesticides et assimilés.
Ce qui est inquiétant avec la Coordination Rurale en particulier, c’est son rapprochement rapide avec le Rassemblement National (RN). C’est un sujet délicat, dans certains départements le lien est établi, par exemple dans le Lot-et-Garonne, où des membres de la CR ont été candidats pour le RN et où Bardella s’est déplacé pour soutenir la CR ; en revanche, ce n’est pas forcément aussi clair partout et certains, à l’intérieur du syndicat, s’en défendent.
La Conf’ et le Modef partagent un certain nombre de positions : leur opposition au photovoltaïque sur terre agricole, des propositions sur le foncier, notamment pour défendre les installations sur petites surfaces.

La Conf’ travaille à une reconstruction de la filière élevage à l’échelle du Massif central. Et propose des solutions locales pour développer la souveraineté alimentaire, aujourd’hui quasi inexistante en Corrèze.
Le Modef conteste le décret cadre des élections (avantages au gagnant, financement, nombre et répartition des sièges, etc.). Il porte des revendications sur la mise en place de prix planchers, d’encadrement des marges, de quotas, de calendriers d’importation, ainsi que des propositions de leviers concrets pour que les agriculteurs puissent avoir une vie sociale avec notamment des propositions sur la retraite et le congé maternité.
Si vous habitez en Corrèze, vous y faites vos courses, vous y mangez, vos enfants y vont à la cantine… les décisions et orientations que prendra la chambre d’agriculture vont avoir une incidence sur votre vie quotidienne. Mathématiquement parlant, c’est une élection où chaque vote compte, beaucoup, et de plus en plus.
Le taux de participation a chuté d’une vingtaine de pour cent entre 2013 et 2019, et la Coordination Rurale a gagné 15 points.
Pour le premier collège, celui des exploitants agricoles, en 2019 il y avait 4198 inscrits, sur ce nombre on ne compte que 2217 votants.
Le nombre d’exploitations est en baisse.
Les résultats vont se jouer à quelques voix, si vous fréquentez des agriculteurs, si vous avez une opinion sur l’agriculture, c’est le moment de l’exprimer, les paysans et paysannes sont déjà bien occupés sur leurs fermes, ils ne pourront pas faire campagne seuls.

  1. Les cotisants solidaires sont des paysans dont la surface ou les revenus sont considérés comme trop faibles pour être affiliés comme chefs d’exploitation au régime de sécurité sociale agricole (MSA). C’est souvent le cas quand il y a une double activité, ou une installation progressive.
  2. Fédération départementale des syndicats d’exploitants agricoles, la branche départementale donc de la FNSEA qui est la fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles.


Par MARIE DA SILVEIRA

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