La météo des luttes peut paraître morose, mais dans chaque domaine, vaille que vaille, certains tiennent la ligne de front. On parlait déjà d’elle dans le numéro 51 de La Trousse, l’association Ilico, Internet Libre en COrrèze est un fournisseur internet.
Là, attention, leur actu est brûlante : Ilico se lance dans la fibre, décryptage.
Si, comme moi, vous avez un seuil de tolérance assez bas aux conversations sur le numérique vous avez peut-être raté (ou pas compris) l’information : Orange a annoncé l’arrêt du réseau cuivre pour bientôt.
Entre 2023 et 2030, commune par commune, les utilisateurs vont devoir passer à la fibre optique ou bien ils n’auront plus accès ni à internet ni au téléphone dit fixe (et autres services arrivant par ce biais).
La déconnexion commence en Corrèze, voici quelques exemples du calendrier : Albignac et Lanteuil seront déconnectés dès janvier 2025. Pour Marcillac-la-Croisille et Aubazine, la déconnexion est prévue en janvier 2026. Lagleygeolle et Monceaux ont quant à eux jusqu’à janvier 2027 pour changer d’infrastructure. Vous pouvez trouver la date de déconnexion de votre commune sur le site d’Orange.
Il y aurait des discussions à avoir, est-ce que collectivement nous souhaitons ce changement ? Comment le mettre en place ? En Corrèze il a été décidé que ce serait par câble aérien… Ce n’est pas votre préférence ? Vous n’avez pas votre avis à donner…
Comme l’a dit Guillaume, bénévole d’Ilico, dans notre dernier entretien : « La transition numérique nous a été volée, les décisions sont prises dans des cercles restreints. »
Bien sûr c’est aussi le cas dans d’autres domaines, nous avons globalement peu accès aux décisions qui régissent notre vie, cela reste singulièrement vrai dans l’accès au réseau internet.
Faute d’avoir la main sur tout ça, il nous reste à choisir : par qui passer ?
Vous ne verrez pas de pubs géantes, personne ne vous appellera pour vous le proposer, moi-même j’ai dû mener l’enquête pour avoir l’info : Ilico se lance dans la mêlée.
Prendre la fibre chez Ilico ce n’est pas juste soutenir une petite association.
Quand on est abonné chez un gros opérateur internet, ledit opérateur, quel qu’il soit, peut voir tout ce que l’on fait : chaque site visité, chaque recherche, à quelle heure et combien de temps.
Ce n’est pas une question individuelle ou de vie privée. Il n’y a pas besoin d’avoir quelque chose à se reprocher pour penser que ce n’est pas une bonne idée. L’utilisation principale de la collecte de données personnelles est commerciale.
Marie-Laure Denis, conseillère d’État et présidente de la CNIL parle du pétrole du XXIᵉ siècle. La vente de données est indéniablement une énorme manne financière mais aussi un espace de contrôle et de pouvoir. On a vu notamment des dérives d’utilisation dramatiques aux moments des élections en particulier aux États-Unis et en Angleterre.
On n’a donc pas de prise sur les opérateurs commerciaux, ce sont d’énormes entreprises très opaques.
Il ne s’agit pas ici de dire qu’une association ne peut pas faire mal, mais au moins on peut aller les rencontrer, discuter, poser des questions, même pourquoi pas participer, donner son avis, faire évoluer les pratiques.
Ilico revendique un questionnement politique sur l’infrastructure. Ils ont déjà fait une démonstration par la pratique : faire son internet, c’est possible. On peut construire une certaine autonomie, un savoir-faire.
Créée en 2010 suite à l’appel de la French Data Network qui a essaimé partout en France, Ilico propose depuis 15 ans des abonnements ADSL. Elle a participé à la création de la fédération des fournisseurs d’accès internet associatifs, et c’est grâce à ce réseau qu’elle est aujourd’hui en mesure de proposer la fibre ; avec le collectif Grenod (à Grenoble), cinq associations mutualisent les frais d’accès aux lignes.
Ilico est avant tout une association, elle dépend de l’énergie humaine et la décline en possibilités.
Ces dernières années, ses membres se sont concentrés sur l’existant, faire tourner ce qui marche déjà.
Début juin 2024, elle lance l’alerte, manque de monde, besoin d’aide, le président s’annonce démissionnaire… ce qui fait réaliser aux membres actifs que l’asso est fragile.
Suite à cet appel, plusieurs personnes se manifestent, ce qui relance une dynamique et donne la motivation pour débloquer ce qui manquait afin de se lancer dans le projet de la fibre. Le 27 septembre la première ligne est ouverte, deux autres suivront.
En octobre, à l’assemblée générale, les présents se mettent d’accord sur une tarification
35 euros par mois + 72 euros de frais d’installation. Ilico ne fournit pas le routeur mais donne les références nécessaires. Il est possible d’ajouter une ligne de téléphone pour un supplément de 2 euros par mois. La télé n’est pas proposée.
Pour la fibre, Ilico gère la partie logicielle, physiquement c’est Axione qui s’occupe de l’infrastructure des lignes.
Ce n’est pas possible partout, les zones dites « denses » sont moins compétitives et cela serait hors de prix. Mais dans les zones non denses c’est possible. À Chamberet ou à Meyssac par exemple. Il existe une carte d’éligibilité à consulter.
Ilico s’autorise aussi à dépasser les limites administratives et à desservir les zones qui seraient proches de la Corrèze, dans les départements limitrophes.
Pour les personnes qui restent chez un opérateur classique, Ilico propose un VPN (Virtual private network en anglais ou réseau privé virtuel en français). C’est comme un tuyau opaque qui protège votre navigation dans le tuyau de l’opérateur.
Pour faire avancer cet ambitieux projet, des bénévoles d’Ilico sont motivés pour faire des rencontres, répondre aux questions, l’idéal serait d’avoir in fine de petits groupes locaux. Participer ne demande pas forcément de capacités techniques. Une réunion se tiendra à Argentat le 1er mars 2025 au Silo.
Pour plus d’informations, contacter : bilm@ilico.org, ilico.org
Par APRIL O’NEIL