Fargesbois en Corrèze, le raté de la stratégie du fait accompli

Fin décembre 2024, le tribunal administratif invalide l’arrêté du 28 février 2022 « par lequel la préfète de la Corrèze a déclaré d’utilité publique, au profit de la communauté de communes Ventadour-Égletons-Monédières, le projet d’extension de la zone d’activités de Tra-le-Bos »1 (dont l’entreprise Fargesbois est le bénéficiaire). L’État ne fait pas appel de la décision. Le projet de Fargesbois est stoppé. Retour d’histoire.

Le tribunal administratif justifie de façon claire sa décision : la surface concernée par l’arrêté préfectoral est supérieure à 10 ha, la procédure de déclaration d’utilité publique devait donc être assortie d’une évaluation environnementale, ce qui n’a pas été le cas. Le tribunal précise qu’« il ressort des pièces du dossier que celui-ci est de nature à porter atteinte, en particulier, à des zones humides, à des espaces agricoles présentant un enjeu notable et à des espèces protégées ». Et que « l’extension de la zone d’activités de Tra-le-Bos entraînera nécessairement des nuisances supplémentaires pour les riverains, notamment sonores et olfactives, et ce alors même que la société Farges, qui ne peut qu’être regardée comme ayant été l’origine et comme étant la principale bénéficiaire finale de l’opération, a déjà méconnu à plusieurs reprises les règles applicables à l’installation classée pour la protection de l’environnement. » Ceci a le mérite d’être clair. D’ailleurs, en mars 2024, la préfecture de Corrèze elle-même était condamnée pour n’avoir pas mis en œuvre sa capacité à faire respecter le droit de l’environnement.

Une stratégie du fait accompli

Fargesbois, de 2010 à novembre 2017, a presque triplé son emprise au sol dans l’illégalité totale au regard de ses obligations en tant qu’installation classée pour l’environnement (c’est-à-dire susceptible de créer des risques pour les tiers, les riverains et/ou de provoquer des pollutions ou nuisances vis-à-vis de l’environnement). Et ce malgré les plaintes et signalements des riverains pour non-respect du droit en matière de nuisance sonore.
En février 2017, avant la régularisation de l’entreprise, le président de la communauté de communes déclare en conseil communautaire la nécessité d’une déclaration d’utilité publique (DUP) pour garantir l’extension de Fargesbois en expropriant les propriétaires des terrains concernés. Puis hop, en 2020 on vote le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) avec classement des parcelles agricoles de la zone de Tra-le-Bos en zones à urbaniser à vocation industrielle, et hop l’entreprise est régularisée, et hop on fait la déclaration d’utilité publique (2021, sans bien regarder la procédure) et hop on exproprie (2023) et…
Et en janvier 2024, le tribunal administratif annule le classement des parcelles agricoles en zone à urbaniser à vocation industrielle. En clair les parcelles prévues ne peuvent plus, jusqu’à la décision en appel, être industrialisées.
Malgré ce déclassement et les recours engagés, la communauté de communes vote, en mai 2024, la vente de la maison de Mme Monjanel, expropriée, et la vente des terrains attenants à l’entreprise. En décembre 2024, ces ventes sont annulées pour irrégularités. Et, la DUP, donc les expropriations, est annulée pour irrégularités. Tout est allé vite malgré toutes les irrégularités, puis stop.

Clap de fin ?

L’État ne fait pas appel. Effectivement, c’est chaud de lutter contre une irrégularité grossière de procédure. En conseil communautaire de mars 2025, le président de la communauté de communes regrette qu’une entreprise soit pénalisée par la décision de l’État. Rien sur le fond du jugement. Rien. Comme si tout était bien fait, comme si s’estimer légitime et compétent permettait de passer outre le droit.
Le jeudi 27 mars, Fargesbois invite la population à une réunion publique « pour retisser des liens ». Lors de cette réunion, les responsables de l’entreprise précisent que « l’autorisation environnementale [leur a été] accordée en 2022 ». Sans reconnaître, à minima, l’illégalité de leur extension.
La confiance se gagne dans les actes. Pour le moment c’est observation et prudence, car où l’entreprise va-t-elle s’agrandir ? Comment va-t-elle respecter ses obligations environnementales ?

  1. Extrait de la décision. Elle est en ligne ici : opendata.justice-administrative.fr/recherche, Cocher : « tribunal administratif Limoges » et renseigner : « no 2200591 » dans « recherche ».

Par JULES

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