Eau que je t’aime !

La loi du 30 décembre 2006 stipule que « l’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général », et précise que « dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis, l’usage de l’eau appartient à tous et chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d’accéder à l’eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous ».

Nul acteur n’est prioritaire : la seule primauté est le droit d’accéder à l’eau potable pour son alimentation et son hygiène. La gestion de ce patrimoine commun est élaboré de façon participative par le comité de bassin appelé également le « Parlement de l’eau » (voir Trousse n° 43). C’est bien la pensée d’une gestion pluri-acteurs qui prime.

Et, pourtant,

Le 24 septembre 2021, les élus départementaux votent à l’unanimité une « politique de soutien à la ressource en eau et à l’agriculture »(1). Dès les dix premières lignes, le texte présenté, après le constat général de changement climatique, énonce qu’il devient inévitable en particulier « d’anticiper l’adaptation de notre activité économique et en priorité agricole en fonction de l’évolution de la quantité d’eau et de la pluviométrie sur le territoire de la Corrèze ».

Le texte prévoit la réalisation d’une étude prospective sur les ressources en eau et le stockage en Corrèze : « La création de réserves en eau déconnectées ou semi déconnectées apparaît alors comme une solution. »(2) Le chapitre présentant ce projet l’aborde essentiellement sous l’angle des ressources en eau pour l’agriculture de demain. L’idée : définir un plan stratégique de création et de gestion des réserves en eau à l’échelle d’un territoire pour soutenir les productions de filières d’élevage d’excellence au travers de l’irrigation des cultures fourragères, dont le maïs. Un comité de pilotage regroupera les acteurs : Département, Chambre d’agriculture, collectivités, etc. Ce sera bien sûr coconstruit, partagé, main dans la main.

Toute cette première partie du texte « Politique de soutien de la ressource en eau et de l’agriculture »(1) parle de ressource en eau et d’agriculture, et… de réserve. Puis, sont abordées les aides au financement pour la protection contre les aléas climatiques (dont la sécheresse/irrigation).

Ce beau plan est d’abord un beau plan agricole. Comme si l’agriculture était nécessairement prioritaire.

Un plan départemental dans les tuyaux

Le 23 novembre 2021, deux-cent-cinquante personnes étaient conviées aux « premières assises de l’eau » du département coorganisées par la Préfecture, le Conseil départemental et tutti quanti. La Vie corrézienne(3) rapporte que l’eau, ce n’est plus ce que c’était, qu’on va en manquer, et donc on va étudier toutes les ressources disponibles et « définir un plan d’actions ». Le public a tourné autour des tables rondes : l’eau et l’agriculture ; de l’eau en quantité et en qualité ; optimisation et gouvernance.

Il s’est aussi dit(4) que « la Corrèze était un château d’eau et qu’il va falloir arriver à capter plus d’eau et savoir comment utiliser l’enjeu stratégique des réserves ».

Depuis, le Département fait réaliser une étude dont l’objet est « de localiser et d’évaluer les ressources en eau disponibles sur le département à l’horizon de 2030/2050/2070, d’optimiser l’utilisation de l’eau et l’accès à la ressource aux mêmes horizons tout en assurant sa protection et son renouvellement ». Cette étude fait clairement référence à la délibération du 24 septembre 2021 centrée sur l’agriculture. Des comités de pilotage se déroulent sans qu’aucune information ne soit accessible. Aucune dans la presse, ou alors une petite, cachée, difficile à trouver. Aucune sur le site du Département, ni sur celui de la Préfecture.

Le 8 juillet, pourtant, le Département votait son Plan départemental de gestion de l’eau avec une intervention de l’hydrogéologue Alain Dupuy, membre du Comité scientifique régional sur le changement climatique(5). Celui-ci expliquait, lors de son discours au congrès « Eau et agriculture » des chambres d’agriculture Pays de la Loire en 2020 qu’il ne serait pas possible de satisfaire le besoin de l’agriculture actuelle.

Qu’en sera-t-il ici ? Les citoyens sont en droit de demander quel équilibre des usages et quel niveau de consommation en eau pour quelle agriculture. Ils sont en droit également de demander un accès transparent aux travaux menés lorsqu’ils portent sur un tel sujet. En clair, soyons vigilants.

Par MARIE-LAURE PETIT

(1) Département de la Corrèze, « Séance du Conseil départemental du 24 septembre 2021 », p. 139 (http://urlr.me/CrjyG).

(2) Idem, p. 140.

(3) La Vie corrézienne, 26 novembre 2021.

(4) La Montagne, 28 novembre 2021 (http://urlr.me/xyHtK).

(5) AcclimaTerra : https://www.acclimaterra.fr/.

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