Illustration satirique représentant l'industrie du cinéma comme une machine à produire de l'argent, avec des pellicules transformées en euros, évoquant le lien entre financement, pouvoir et perte d'intégrité artistique.

Attention aux déviances sémantiques

Peuple et Culture a organisé en septembre dernier deux journées de réflexion sur ce que le cinéma a fait et peut faire face à la montée du fascisme. Il serait intéressant d’étudier aussi son contre-point, à savoir combien le cinéma a aidé et aide le fascisme à prendre le pouvoir. En quoi les films sont-ils porteurs à leur insu de valeurs fascistes ? Le cinéma peut-il changer le monde ? Certainement, mais l’incurie politique des acteurs de l’industrie cinématographique nous emmène droit au totalitarisme. Un exemple.

Depuis une quarantaine d’années, la SRF1 assomme l’opinion publique avec une dérive sémantique du terme « cinéaste ». Cette association de réalisateurs français fondée par la Nouvelle Vague veut faire entendre l’importance de l’auteur-réalisateur dans la fabrication d’un film.
Si personne ne nie l’importance du rôle du réalisateur dans la singularité d’une œuvre et sa réussite, accaparer le terme « cinéaste » a une tout autre portée. Une réalisatrice est, étymologiquement, une cinéaste au même titre qu’un directeur de la photographie, une scénariste ou un décorateur.

En quoi le séquestre d’un terme détruit-il une unité ?

Soutenue par le général de Gaulle et André Malraux, son ministre de la Culture, la politique des auteurs a vu le jour en France dans les années 1960, portée par la Nouvelle Vague. Cette politique a permis entre autres, de créer une scission au sein des membres de la corporation du cinéma et d’individualiser chacun pour éviter tout mouvement politique important. Les réalisateurs se sont fait avoir quand leur narcissisme a été flatté. Ils ont perdu le pouvoir. Le cinéma étant un outil de propagande essentiel, De Gaulle et Malraux ont sciemment appuyé la politique des auteurs pour diviser et mieux régner.
Le réalisateur devint donc un cinéaste, et son équipe, coupée de son terreau, une bande d’intermittents du spectacle, profiteurs d’un régime spécial sur lequel ils ne doivent pas cracher pour survivre. Le pouvoir a réussi, plus de résistance possible aux décisions des financeurs. A-t-on oublié que c’est par la force de ses membres que la CGT spectacle a permis de créer le CNC2 en 1946 ? C’est lors des accords Blum-Byrnes que les cinéastes français, forts de leur passé de résistants, ont pu imposer une taxe de 13 % sur tout ticket d’entrée de cinéma et créer un fond d’aide à la production française. L’exception culturelle ne nous est pas tombée du ciel. Pour gérer cette somme, ils ont créé le CNC.
Quel est le mouvement de contre-pouvoir aujourd’hui dans le cinéma français pour lutter contre l’accaparement de cette manne financière ? Aucun. D’ailleurs Macron s’est emparé d’une partie de la trésorerie du CNC par des réformes et a nommé Dominique Boutonnat président. Ce dernier, condamné en juin 2024 à trois ans de prison dont deux avec sursis pour agression sexuelle, n’a toujours pas été remplacé. Aucun journaliste n’en parle. Aucun cinéaste ne s’en plaint. Où est la force politique du cinéma français ?

  1. Société des réalisateurs de films, fondée en juin 1968
  2. Centre National du cinéma et de l’image animée

Par DIANE BARATIER

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