Du photovoltaïque sur les toits, sans toucher aux terres agricoles, ni aux forêts, aux zones humides ou aux landes et friches sauvages vitales pour la faune et la flore, c’est possible, en choisissant une formule collective et citoyenne. Je suis allé interviewer Clément Vernedal, président de la SCIC Énergie Cœur de Corrèze, dont le siège social est à Naves.
Centrales Villageoises, c’est un réseau national d’une soixantaine de coopératives, créé il y a une quinzaine d’années par plusieurs parcs naturels régionaux, avec la volonté de produire l’électricité localement ; il y en a surtout en Rhône-Alpes, et nous sommes la première en Nouvelle-Aquitaine.
Nous avons fait le choix politique de la SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif). C’est une variante de SAS (Société par actions simplifiée) qui impose plus de contraintes mais qui donne une seule voix à chaque personne – c’est plus démocratique – et qui oblige au réinvestissement : 57,5 % des bénéfices sont mis en réserve, ils ne peuvent pas être versés aux sociétaires (une SAS pure peut en offrir 100 % à ses actionnaires, la SCIC seulement 42,5 %, donc). Et le taux de dividende maximum est fixé par l’État, entre 2 et 3 %.
Historique local
L’idée est venue lors de la campagne des municipales en 2020 à Naves, nous avons été élus ! Surprise ! En fin d’été 2020, nous sommes allés visiter à Lyon la société des Centrales Villageoises avec des élus de l’Agglo de Tulle et, donc, de Naves.
Début 2021 est créée l’association loi 1901 de préfiguration, indiquant dans ses statuts l’objectif de devenir une SCIC à terme ; elle permet de faire connaître le projet, aux citoyens, aux collectivités, afin de devenir sociétaires fondateurs. Nous répondons à un appel à projets en Nouvelle-Aquitaine, et pour un euro versé, la Région verse elle aussi un euro !
La société est officiellement créée le 6 janvier 2022. En février 2023, nous avons 161 sociétaires, dont deux entreprises et onze communes de Tulle Agglo. Le conseil coopératif est constitué de douze membres. Tous les deux mois des groupes de travail se réunissent (visites de toitures, gestion-projets-devis, administration…).
La rémunération des sociétaires est peu rentable, c’est l’utilité sociale et sociétale qui prime. Les parts sociales sont à 50 euros, les sociétaires ont entre 50 et 5 000 euros de parts sociales actuellement. Un sociétaire ne peut pas détenir plus de 20 % du capital social, qui tourne aujourd’hui aux environs de 100 000 euros.
Comment ça marche ?
Avec le photovoltaïque sur les toits, on a deux possibilités : la revente, ou l’autoconsommation.
En autoconsommation, parlons franchement : grosso modo, pour les petites surfaces jusqu’à 3 kilowattheures (kWh), c’est-à-dire jusqu’à 15 m², ça passe, avec les aides pour rendre le projet viable. Entre 15 et 150 m², pas très rentable ! C’est peut-être militant mais le tarif de rachat étant trop faible, à 10 centimes le kWh, il faut une grande surface, au moins 150 m². Et entre les deux, entre 15 et 150 m² comme je l’ai dit, bof bof bof. C’est un avis perso, mais je dirais que c’est à éviter compte tenu des caractéristiques techniques et des tarifs actuels… Quant à l’autoconsommation collective, il faut une entité qui répartisse, c’est compliqué. Mais on aimerait bien que ça se développe quand même !
« Notre objectif : que des toitures »
Rien au sol ; bon, si jamais une opportunité advenait, un terrain déjà artificialisé ou pollué, on verrait… Mais nous défendons une éthique, on ne veut pas détruire des terres agricoles et acheter de la nourriture qui vient de loin, un peu de cohérence !
Le premier projet est en cours, un bâtiment public : la salle polyvalente de Naves, qui vient d’être reconstruite. Refaite du sol au plafond (il y avait de l’amiante partout). Enedis est passé, le transformateur est installé et les panneaux photovoltaïques aussi, depuis peu… 550 m² de toiture pour 100 kilowatt-crête (kWc). Les travaux devraient être terminés pour cet été !
On a quelques pistes de nouveaux projets, on étudie des toits (des grands donc, 150 m² minimum tels que granges, bâtiments industriels, écoles, salles des fêtes…) mais on a du mal à trouver des bureaux d’étude pour analyser d’abord les toits de manière sûre ! Ensuite on prend en charge, mais il faut un avis officiel. Question d’assurance, de protection pour les propriétaires et nous.
« On est là pour investir à la place du particulier »
S’il veut le faire lui-même, il n’a pas besoin de la coopérative. Nous, on peut prendre en charge les travaux électriques, on exploite la toiture, on revend l’électricité à un fournisseur et, en compensation, on verse un loyer au propriétaire.
On aimerait plutôt favoriser l’autoconsommation, revendre l’électricité directement aux proprios ; tout le monde s’y retrouverait, et nous aussi. Surtout pour les surfaces moyennes dont on a parlé, de 15 à 150 m².
On revend donc à EDF, qui est obligé pendant 20 ans de racheter l’électricité.
Pour être viables, il nous faut atteindre entre 300 et 400 kWc de panneaux installés, à cause des charges fixes : impôts, banques, comptable, assurances, entretien et maintenance, développement, formation et éducation… La Région nous a aidés, à hauteur de 75 000 euros au titre de l’économie sociale et solidaire.
Pour conclure : une remarque importante, tout ça ne servira pas à grand-chose si l’on ne consolide pas ces projets en insistant sur des objectifs clairs et précis de sobriété, c’est-à-dire diminuer la consommation, éliminer les gaspillages et améliorer l’efficacité des installations, avec des énergies renouvelables, bien sûr.
CHRISTOPHE RASTOLL