Ce second confinement automnal présentait quelques différences par rapport au premier, plus printanier, dont une de taille : les établissements scolaires sont restés ouverts, accueillant massivement leurs élèves (nos enfants, en fait) au prix d’un protocole sanitaire des plus rigoureux, tout du moins selon les autorités compétentes (sic), le sinistre ministre Blanquer en tête. Stlaf nous avait pourtant alertés dans ces mêmes colonnes il y a déjà plusieurs semaines (voir n°32, page 2 – je précise vu que ce journal n’a pas encore de sommaire : private joke) : ce que vivent quotidiennement les enfants et le personnel éducatif (voir la règle syntaxique dans le n°33, page 17), en Corrèze comme ailleurs, est tout à fait inquiétant.
Il serait certainement salutaire, en effet, de dépêcher un observatoire des pratiques actuelles dans les établissements scolaires. Eh bien figurez-vous qu’il existe cet observatoire ! Parce que certains profs, premiers garants de la qualité du service public d’éducation (n’en déplaise à certains chefs d’établissements qui se croient plus garants que les autres – spéciale dédicace), certains profs donc (et le reste du personnel de l’Éducation nationale aussi d’ailleurs), font correctement leur boulot jusqu’au bout et prennent ainsi leurs responsabilités en faisant remonter les situations quotidiennes dans leurs syndicats. Une bonne idée que voilà ! Car ça permet de les mettre à jour ! Et dire qu’on croyait que les syndicats ne servaient à rien… On nous aurait donc menti ?
Bref ! Voici donc quelques cas d’école, corréziennes pour la plupart, limousines pour certaines.
Commençons par celui du collège d’Allassac dont un groupe d’enseignants ont produit un communiqué stupéfiant qu’ils ont eu la bonne idée de nous adresser (ben oui, ça sert à ça la presse libre : y’a pas que Blanquer et ses sbires qui peuvent s’exprimer – d’ailleurs ils ne s’exprimeront certainement pas dans ces colonnes !). Et que disent-ils ces braves gens ? Écoutez plutôt : « Nous ne pouvons accepter les conditions actuelles d’accueil des élèves tant d’un point de vue sanitaire que pédagogique. Les seules solutions consistant à isoler les classes par salle, à décaler les temps de récréation et de repas ne peuvent pas garantir à l’ensemble des personnes présentes dans notre établissement une sécurité optimale face à l’épidémie et sa prolifération. Le manque de personnel d’entretien, le manque de place (499 élèves accueillis pour une capacité initiale de 360), la taille trop exiguë des salles, le nombre d’élèves par classe (jusqu’à 31), l’augmentation du nombre de classes sans locaux supplémentaires… ne permettent pas d’envisager l’instauration du protocole sanitaire comme demandé par nos dirigeants. » Et voilà ! Quand on vous disait que Blanquer était le roi du pipeau ! (Notons au passage qu’un tel de niveau de cynisme, d’incompétence et de morgue lui vaut aujourd’hui carrément une pétition en ligne réclamant sa démission : renseignez-vous !).
Au sein du lycée d’Arsonval, à Brive, l’explosion des groupes classes (puisque chaque élève suit désormais un parcours individualisé, l’individuation de l’homme libre n’ayant pas de limite dans les projets de nos dirigeants) engendre « une circulation très accrue des élèves dans l’établissement, sans qu’aucun sens de circulation ne soit vraiment établi ou en tous cas respecté : des centaines de personnes se croisent ainsi massivement à longueur de journée, à touche-touche, loin, très loin des règles de distanciation physique. »
On pourrait bien entendu multiplier les exemples (nous en avons bien d’autres) mais est-ce vraiment utile dans la mesure où, on l’aura compris dans de telles conditions, il se passe à peu près la même chose partout sur le territoire. Il ne fait pourtant aucun doute que ce protocole sanitaire qui n’en a que le nom génère une ambiance délétère pour les élèves et pour le personnel, comme en témoigne cet enseignant : « Au quotidien, les directions d’établissements réagissent souvent de manière très autoritaire, fliquant par exemple le personnel fumeur jusque dans la rue : on se sent enfermés dans un système à tendance fascisante, d’autant plus que certains collègues zélés contribuent allègrement à cette surveillance de chacun par toutes et tous ! » Et allez ! En avant Guingamp ! (je n’ai pas trouvé l’idée d’un village corrézien qui permettrait une adaptation locale avantageuse de ce célèbre slogan footballistique : si tu en as une, lectrice, lecteur, n’hésite pas à la transmettre au journal : ça fera plaisir à notre salariée !).
Bon. Et les élèves dans tout ça ? Une fois qu’on a compris qu’ils se refilent tranquillement le virus à ramener chacun dans leur famille, passent-ils au moins de bonnes journées ? Pas tant, a priori : « La situation est tout à fait anxiogène pour eux, d’autant plus que les règles d’application du protocole sont souvent modifiées, sans qu’ils n’y comprennent rien ! On ne fait pas appel à leur intelligence, on fait appel à leur soumission. »
Nous y voilà. C’est peut-être bien ça le grand truc actuellement. Car entre nous, qui oserait affirmer qu’il en va autrement pour nous, les adultes ? Alors pensez-donc, en ce qui concerne les gosses… Et ce ne sont pas en tous cas les récents dédoublements temporaires qui changeront quoi que ce soit à la donne : s’ils favorisent l’expérimentation à grande échelle du télétravail pour les jeunes générations, exauçant là encore un rêve de la classe dirigeante, qui peut raisonnablement penser que cette situation pourra être envisagée sur le moyen ou le long terme ?
Ça nous promet en tous cas de beaux lendemains qui ne sont pas partis pour chanter (surtout avec un masque).
L’anguille