La trousse de juillet 2024 (LTC N°51) le disait : dans le cadre du plan départemental de gestion de l’eau (PDGE), une étude d’opportunités portant sur « le potentiel d’interconnexion de la Corrèze [sic] avec le Bassin de la Charente » a été votée par le Département fin 2023. Menée avec un financement de l’agence de bassin Adour- Garonne, l’étude a coûté 98 827€ HT. La compagnie d’aménagement des côteaux de Gascogne (devenue rives et eaux du sud-ouest) a obtenu le marché public de l’étude en avril 2024 et a produit un rapport intermédiaire fin décembre 2024. Quel sens donner à un tel projet ?
Table des Matières
Une volonté corrézienne
En 2021, le Département initie un plan de gestion départemental de l’eau (PDGE) en mettant, lors du premier débat, l’accent sur l’agriculture et la nécessité de retenues. L’étude d’opportunités est votée en 2023. L’intérêt est que la Corrèze soutienne une région déficitaire, cela permettrait alors de renforcer juridiquement la valeur de son plan. Le président Pascal Coste connaît tous les tours et détours de l’eau mieux que sa poche et les acteurs aussi. Son choix politique est de « consacrer l’eau corrézienne [ !]bien commun » Une traduction curieuse de l’inscription de l’eau dans le patrimoine commun de la nation.
Le projet : « très concrètement ce sont des tuyaux »
Lors de l’interview (2 mn) de la directrice de l’agence de l’eau Adour-Garonne sur France Inter le 5 mai, on apprend que «l’agence de l’eau va présenter plusieurs scénarii aux élus locaux d’ici l’été ». Et, la directrice d’expliquer : « Très concrètement, c’est du tuyau qui part de la Dordogne et qui rejoint la rivière de la Vienne, pour ensuite renvoyer l’eau sur le fleuve Charente ». Et voilà, de la simple robinetterie.
L’info est aussi abrupte que choquante. En effet, jusqu’à cette date, aucune mention d’un tel projet n’a été faite au comité de bassin, « notre parlement de l’eau »1 . Sympa pour ceux qui y siègent. La position est très technique et n’aborde aucune des causes expliquant la situation, sauf l’absence de barrage sur la Charente, ni sur les effets potentiels d’un tel projet. La solution est purement technologique, « un rêve d’ingénieur hydraulique » )
Ce n’est pas que technique !
La tribune(quotidien) a conduit un travail d’enquête avec quatre papiers sortis entre fin mars et mi avril 2025. relayés par d’autres médias. Tous relèvent l’ampleur du projet: 30 millions de m³ d’eau ( soit l’équivalent de la consommation annuelle de 550 000 habitants) à déplacer sur quasi 200 km, 300 à 600 millions d’Euros d’investissement, dont la construction de nouvelles retenues de stockage hivernal, etc..
On sait transporter de l’eau : tuyaux, retenues, machines, forages, etc. Ce n’est pas la technique qui gêne.
L’article de la Tribune, titré : « Eau : la déviation de la Dordogne, un projet de maladaptation ? » pose la question du sens d’un tel projet « Dévier les cours d’eau semble surtout permettre d’éviter la question qui fâche : les usages du bassin-versant de la Charente ne seraient-ils pas surdimensionnés par rapport à la ressource en eau ? ». La « maladapatation » ce serait de réaliser une telle déviation, très coûteuse, « pour préserver des modèles agricoles et touristiques intensifs ».
Car, le territoire du fleuve Charente est « fortement modifié par les aménagements hydrauliques passés, voit ses capacités de rétention et d’infiltration fortement amoindries. L’agglomération de La Rochelle, confrontée à une contamination historique par un pesticide interdit depuis les années 1970, a dû se résoudre à capter et traiter l’eau de la Charente à plus de 60 kilomètres de distance ».
Une solution de rupture
Cette action apparaît effectivement dans le plan d’adaptation charente-2050, dans l’axe 7 intitulé « Diversifier les ressources en eau mobilisées sous condition de durabilité et de faible impact » et ces solutions dites de « rupture » sont envisageables en deret validé par le comité de suivi fin janvier 2023. Ce plan est un guide permettant l’adaptation aux changements à venir.
Alors, on ne peut que regretter que l’information concernant ce projet de transfert d’eau interbassin, ce dernier recours, ait «fuité» (?) au moment même où des élus charentais se réunissaient pour dévoiler un démonstrateur de solutions fondées sur la nature au service de l’eau potable des charentais. Nouvelle moins imposante et dont on a beaucoup moins parlé.
Alors, anticipons, mais ne faisons pas comme si en deux ans de vie du programme d’actions de Charente-2050, cette solution était déjà de dernier recours.
- Le comité de bassin ou « parlement de l’eau », sur le territoire du bassin Adour-Garonne rassemble des représentants de tous les acteurs concernés. Les membres sont répartis en quatre collèges distincts : celui des collectivités et parlementaires, celui des représentants de l’État, celui des acteurs économiques et celui des acteurs non économiques. C’est un lieu de concertation où s’élabore en particulier le schéma directeur d’aménagement et de gestion Adour-Garonne
Par JULES