À Tarnac (Corrèze), la coupe rase qui avait commencé en novembre 2022 au bois du Chat avait suscité la mobilisation d’une partie des habitant·es de la commune. Nous nous sommes opposé·es à la destruction de cette forêt de feuillus située en zone Natura 2000 aux abords de la Vienne et au cœur du Parc naturel régional (PNR) de Millevaches. Nous avons été soutenu·es par de nombreux habitants et habitantes de la Montagne limousine, des élus locaux, régionaux, nationaux et européens et par des associations environnementalistes. Parmi elles, Sources et Rivières du Limousin, Corrèze environnement et Canopée Forêts vivantes avaient saisi la justice au regard d’irrégularités constatées sur le chantier, concernant en particulier le franchissement non protégé d’un ruisseau.
Notre mobilisation tenace a porté ses fruits puisque nous avons réussi à empêcher la poursuite de la coupe et les travaux semblent aujourd’hui tout à fait abandonnés. La justice nous a depuis donné raison : par Me Yann Fauconnier, l’avocat représentant les associations plaignantes, nous avons appris la condamnation des responsables de la coupe, des amendes ont ainsi été prononcées contre le propriétaire du terrain le GFA CLOUP (500 €), l’exploitant ARGIL (5 000 €), la SARL Ausset et fils ayant effectué la rampe de débardage (3 000 €). Fortes de ce verdict les associations de défense de l’environnement vont pouvoir poursuivre leurs actions en justice pour d’autres infractions caractérisées au Code de l’environnement et au Code forestier.
Tout au long de cette affaire nous avons été confronté·es à l’opacité qui règne dans le milieu forestier, les propriétaires, gestionnaires et exploitants agissant sous le couvert du secret des affaires. Mais les choses sont en train de changer : le PNR de Millevaches s’étant à son tour saisi du dossier, il a demandé l’accès au plan simple de gestion concernant les parcelles du bois du Chat. Ce document lui ayant été refusé par le Centre régional de la propriété forestière, il a saisi la Commission d’accès aux documents administratifs qui, après étude, a fait savoir qu’elle souhaitait « faire évoluer sa doctrine » et rendre public l’accès au volet environnemental des plans de gestion. Cela constitue également une victoire et une avancée significative vers la reconnaissance des forêts comme bien commun.
Nous retenons de tout cela plusieurs choses :
– Les défenseurs des coupes rases mentent. Lors de notre mobilisation nous avons entendu les chefs de la filière industrielle du bois en Limousin, le député de la Corrèze d’alors, Francis Dubois, le président du conseil départemental de la Corrèze, Pascal Coste, la présidente du conseil départemental de la Creuse, Valérie Simonet défendre la coupe rase du bois du Chat avec pour seul et piètre argument : « Circulez, il n’y a rien à voir, tout est légal. »
– Nous nous réjouissons que la justice condamne aujourd’hui la réalisation du chantier, mais nous ne pouvons que constater que ses délais de réaction sont excessivement longs. Si le bois du Chat est aujourd’hui encore debout, c’est avant tout grâce à la large mobilisation populaire et politique qui s’est exprimée.
– Il est fort à parier que, dans bien des coupes rases infligées aujourd’hui aux forêts limousines, des irrégularités similaires soient monnaie courante. Nous encourageons donc les habitant·es de toutes les communes à s’organiser pour empêcher la destruction des forêts, des ruisseaux et de toute la faune et la flore qui les peuplent.
Nous continuons de lutter pour la préservation des forêts aux côtés de nombreuses associations environnementalistes et du Syndicat de la Montagne limousine. Une lutte absolument indispensable aujourd’hui puisque ces forêts sont menacées par deux projets dévastateurs : d’un côté à Guéret, en Creuse, l’industriel Biosyl entend réduire en granulés les forêts de feuillus ; d’un autre côté, à Égletons, en Corrèze, c’est Piveteau bois qui prétend à la mainmise sur les boisements limousins.
Le système d’exploitation forestière basé sur les monocultures et les coupes rases est à bout de souffle et nous continuerons de nous organiser et de lutter pour enfin mettre un terme à ces pratiques.
Par LE COMITÉ DE DÉFENSE DU BOIS DU CHAT