FUSION DE COMMUNES Avalouze l’avalée ?

À l’approche du prochain scrutin municipal (2020), l’État aimerait voir évoluer le bloc communal. Avant qu’il ne soit question de « nouveau monde » apparaissaient les communes nouvelles, issues de la loi du 10 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales (voir encadré).

Certains élus municipaux seraient-ils des ânes pour que l’État les fasse avancer, une carotte se balançant devant le bout de leur nez ? Toujours est-il que les réunions suggérées avec insistance par le préfet de la Corrèze se sont multipliées dans les campagnes pour tenter de convaincre les maires et leurs adjoints d’engager leurs communes dans un processus dont le but n’est pas sans rappeler la loi Marcelin de 1971 encourageant l’association-fusion de communes. Car en finir avec l’atomisation communale du pays est bien l’obsession des gouvernements et des hautes sphères administratives depuis bientôt un demi-siècle. Jusqu’à présent, on s’est efforcé de préserver la liberté des communes, sauf sous Sarkozy qui a imposé la couverture intégrale du pays par les intercommunalités.

Carotte et maquignon

La carotte ? Elle est financière, bien sûr. En bref, si et seulement si une commune nouvelle se crée par la fusion de deux communes ou plus au plus tard le
1er janvier 2019, alors la dotation globale de fonctionnement (DGF) correspondant à la somme des DGF des communes d’origine sera maintenue pendant trois ans. L’État majorera même de 5 % l’une des composantes de cette DGF, la dotation forfaitaire. Mais là, on entre dans des mécanismes de finances publiques dont on risque de sortir démembré.

À bien considérer les choses, la carotte est bien menue car les communes nouvelles ne gagneront en gros que le maintien de leurs ressources actuelles (dotation consolidée), et encore, ce maintien n’est garanti que pour les trois prochaines années. Sous-entendu, les communes qui restent en l’état (qui ne fusionnent pas avec une ou plusieurs autres), verront leurs dotations continuer de baisser, cette baisse étant déjà une réalité depuis plusieurs années. On comprendra aisément que, comme on considère le nombre de communes trop élevé, motif d’une gestion prétendument dispendieuse pour les finances publiques, la meilleure manière de faire entendre raison aux maires est de leur couper les vivres petit à petit. Et, accessoirement, de compliquer progressivement les procédures administratives par une réglementation toujours accrue.

Pris dans un maquignonnage d’État qui ne dit pas son nom, mais dont les parlementaires ont voté le principe, les maires sont face à deux options : le statu quo, mais on s’occupera un peu plus tard du sort de leurs communes, ou la fusion. Le résultat, c’est que certains édiles, bien souvent par résignation et fatalisme, s’en remettent aux bons soins des représentants de l’État. Ils adoptent l’attitude la plus raisonnable pour eux en faisant voter par leur conseil municipal, dans la précipitation, une fusion hâtivement discutée en coulisses avec leurs pairs de communes voisines au beau milieu de l’été. C’est littéralement ce qui s’est passé à Saint-Bonnet-Avalouze, par exemple, cette commune étant appelée à fusionner avec Laguenne.

L’avis des habitants ? Pas le temps !

Le 11 juillet étaient réunis autour du secrétaire général de la préfecture, à Laguenne, les maires et adjoints de six communes : Chanac-les-Mines, Ladignac-sur-Rondelle, Laguenne, Pandrignes, St-Bonnet-Avalouze et St-Martial-de-Gimel. Deux ou trois autres réunions se sont succédées mais déjà les élus de certaines communes s’étaient retirés de la partie : St-Martial, Ladignac et Pandrignes. En septembre, c’est finalement Chanac qui, en conseil municipal, rejetait le projet d’intégration dans une commune nouvelle avec Laguenne. Ne restait que St-Bonnet qui, après un débat nourri autour de la méthode (légalité de la représentation élective versus légitimité d’une consultation et d’un débat préalable avec les habitants), adoptait à la majorité le principe de la fusion.

Comprenons-nous bien. On peut parfaitement, aujourd’hui, percevoir les limites de plus en plus étroites du champ d’action pour des communes de quelques dizaines, voire quelques centaines d’habitants. On peut reconnaître l’intérêt, pour l’avenir, d’organiser la fusion de communes et de concevoir, dans des territoires dont les habitants sont de plus en plus mobiles, une vie communale moins morcelée. Mais pourquoi, précisément, exclure les habitants de ce débat et des choix qui en résultent ? À Saint-Bonnet-Avalouze, mais c’est une posture à peu près générale, le bureau municipal (maire et adjoints) considère que les élus sont là pour prendre les décisions et que la loi n’oblige en rien le maire à consulter la population. « Quand le conseil a décidé de la construction d’un abri pour les randonneurs », s’emporte le maire de St-Bonnet, Jean-Pierre Corrèze « est-ce qu’il a consulté la population ? » Comparer un projet de cette nature avec celui de l’assimilation totale et définitive de la commune qu’on représente dans un ensemble plus vaste, il y a là, pour le moins, de la cocasserie. Comme son nom l’indique, la commune n’est-elle pas fondamentalement, par essence, un bien commun ? En 2014, lors de la campagne pour les municipales, il n’a jamais été question, dans les professions de foi des communes concernées, de projet de fusion en commune nouvelle. N’est-ce pas là une raison suffisante pour solliciter l’avis des habitants ? On objectera qu’il y a urgence. De quelle urgence parle-t-on alors que se sont écoulées plus de quatre années depuis le début de la mandature ? De quelle urgence parle-t-on alors que le principe de création d’une commune nouvelle avait déjà été, en 2015, objet de débats en conseil municipal de St-Bonnet-Avalouze, sans suites.

Citoyen un jour, administré toujours

Les premières lois de décentralisation des années 1980 visaient à redonner de l’oxygène à la démocratie locale. Elles y sont partiellement parvenues en rapprochant les lieux de décision des habitants pour les questions qui les concernent. Les réformes territoriales successives, notamment depuis le mandat du président Sarkozy (2007-2012) ont accéléré la recomposition des territoires et reconfiguré les lieux de pouvoir en éloignant de plus en plus le citoyen des orientations stratégiques comme des choix concernant les affaires locales. C’est le principe, dit-on, de la démocratie représentative qui est la nôtre. Le paradoxe, c’est qu’une fraction croissante des 500 000 élus de la nation, très majoritairement des élus municipaux, est aujourd’hui à la dérive. Elle ne parvient plus à suivre ce que le pouvoir central, avec l’assentiment d’élus nationaux influents, dans un jeu permanent de négociation avec les associations d’élus au premier rang desquelles l’association des maires de France (AMF), finit par imposer sous couvert d’économies d’échelle, d’efficacité, de sécurité.

Que dire alors des citoyens, qui ne sont d’ailleurs citoyens qu’au moment de devenir électeurs, périodiquement, tous les six ans pour les municipales. Entre temps, ils restent des administrés, des contribuables.

 

 

– Loi du 16 décembre 2010 dite « de réforme des collectivités territoriales » : création de la commune nouvelle, collectivité territoriale regroupant plusieurs communes contiguës, celles-ci perdant leur statut de collectivité territoriale.
– Loi du 16 mars 2015 dite « relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes » : maintien temporaire de la dotation générale de fonctionnement (DGF) et possibilité de maintenir en fonction, jusqu’en 2020, l’ensemble des conseillers municipaux des anciennes communes.
– Au 1er janvier 2018, 560 communes nouvelles avaient été créées depuis la loi de 2010. Elles regroupent 1 900 communes « anciennes » pour 1,9 million d’habitants. Dans le même temps, le nombre de communes est passé de 36 682 en 2010 à 35 416 en 2017 (métropole et DOM).
– En Corrèze, les communes nouvelles sont au nombre de trois pour six anciennes communes :
Sarroux et St-Julien-près-Bort, Malemort et Venarsal, Argentat et St-Bazile-de-la-Roche. Au 1er janvier 2019 devraient être créées au moins deux autres communes nouvelles, en plus de Laguenne-St-Bonnet : Lagarde-Enval et Marc-la-Tour d’une part, Espagnac et St-Paul d’autre part.
– La Manche est l’un des départements les plus ouverts aux communes nouvelles : 43 y ont été créées depuis 2015, regroupant un total de 133 communes.

par Didier Bertholy

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