Parce que l’algorithme de Facebook avait décidé de remonter sur mon mur une publication annonçant la journée portes ouvertes de la Trousse le 10 février dernier, je m’étais retrouvé à la salle La Treille en début d’après-midi sans trop savoir ce qui allait se passer. Quatre heures, un article, un passage sur Bram Fm et un passage sur France 3 plus tard, voilà que mon nom était inscrit sur une liste de potentiels futurs contributeurs. J’avoue une certaine fierté lorsque j’ai découvert que cet article, écrit pour tester en grandeur nature le processus de création d’un journal, avait vraiment été publié. Alors quand j’ai reçu l’invitation à participer à la réunion de lancement du prochain numéro, j’ai immédiatement bloqué la date dans l’agenda. L’infiltration était lancée !
De La Montagne à la Trousse en passant par Fakir
La réunion arrive, chacun se présente, l’opération recrutement du 10 février a manifestement été un succès puisqu’il y a davantage de nouveaux que d’anciens ! L’infiltration va elle se transformer en prise de contrôle ? On commence par une séance d’autocritique du dernier numéro. Tel article sur P Coste n’était-il pas trop à charge ? L’article sur Linky apportait-il vraiment un plus par rapport au dossier déjà très complet du numéro précédent ? Beaucoup s’accordent à dire que le graphisme et le sujet de la Une n’étaient pas vendeur. Ce numéro ne partira sûrement pas aussi bien que le précédent sur Linky. Parmi les nouveaux rédacteurs certains s’étonnent que le choix du dessin associé à un article ne soit pas soumis au rédacteur avant publication. Mais très vite on comprend que c’est aussi gage de liberté d’esprit. Une fois l’article écrit, il n’appartient plus à son auteur, chaque lecteur le comprendra à sa manière, le dessinateur aussi a ce droit…
Puis chacun présente les sujets sur lesquels il voudrait écrire, certains se faisant aussi les porte-paroles d’autres qui ne peuvent être présents. Aucune ligne directrice imposée, pas de thématique prédéterminée, tout peut arriver sur la table, on fait le tri ensemble. C’est passionnant de découvrir « en vrai » l’envers du décor. Cyril fait tourner la parole avec calme et efficacité. Très vite quelques vieux démons altermondialistes sont mis aux jours. Je propose un sujet sur le groupe corrézien « les Humeurs Cérébrales » mais ils sont passés au concert organisé par le conseil départemental alors on se méfie et puis ils ont du succès et gagnent donc (un peu) d’argent et l’argent « c’est mal ». Surtout, péché ultime ils ont déjà eu plein d’article dans La Montagne… et à la Trousse on s’identifie plus facilement à Fakir qu’à La Montagne ! On évoque le procès de Tarnac, sujet éminemment local, mais là aussi il en a déjà été beaucoup question dans les médias mainstream alors en réaction beaucoup voudraient ne pas en parler du tout ! « Si les gens veulent en savoir plus ils n’ont qu’à allumer TF1 », amusant paradoxe pour un média alternatif ! On statue sur un filet (quelques lignes façon brèves). Au final, il n’y aura pas une seule ligne. Si j’y tenais vraiment j’aurais dû l’écrire moi-même. Ici on ne refile pas le boulot aux copains et finalement c’est bien comme ça ! Dommage, je me gargarisais déjà d’avoir une occasion – somme toute rare – de lire le beau prénom de Yldune. Mais comme souvent, l’intelligence collective est dans le vrai, au moment où la Trousse sortira, le procès sera déjà terminé et les accusés acquittés.
Bimestriel un jour, bimestriel toujours ?
Le problématique rapport à l’actualité de la Trousse me saute aux yeux : impossible de parler d’actualité chaude dans un bimestriel. J’apprends que le numéro sur Linky a eu du succès parce qu’il tombait un sujet d’actualité du moment sur Tulle et environs… mais que c’était un hasard ! Au travers des discussions en off je sens d’ailleurs rapidement qu’une tension sous-jacente anime les débats, probablement depuis quelques numéros ; le journal doit-il devenir mensuel ? Pour certains cette évolution semble inéluctable pour assurer une certaine sécurité financière et permettre de mieux coller à l’actualité mais pour d’autre cette pression du temps mettrait à mal les équipes de bénévoles… En absence de réflexion officielle c’est forcément le statu quo. La réunion se poursuit, il faut parfois faire preuve de diplomatie pour convaincre en douceur tel ou tel de se contenter d’une demie page pour son sujet là où il en aurait voulu une entière. Un sujet finira même par être écarté, à l’unanimité ; c’était un fait divers sur une affaire locale déjà jugée, vraiment pas la tasse de thé de la Trousse… Une contrainte m’impose de partir au bout de 3 heures, mais la réunion n’est clairement pas terminée, le sujet du dossier n’a même pas encore été décidé ! Je laisse les collègues finir le boulot, un peu honteux.
Maquette en bégayant
Quelques jours plus tard nous recevons par mail la fameuse « maquette en bégayant » (je me demande combien de personnes comprennent réellement cette blague très potache ?). On y retrouve tous les sujets d’articles dans une mise en page provisoire, sans les textes bien sûr ! Les collègues ont bien bossé, je découvre le sujet du dossier et plein d’autres choses décidées après mon départ. Reste à écrire les deux articles promis avant la date limite imposée. Je le fais avant de partir en vacances. A mon retour m’attend déjà dans ma boite mail le résultat du comité de rédaction qui s’est réuni dans l’intervalle. Il passe en revue tous les articles, en regardant le fond, pour s’assurer de la bonne compréhension et ne regardant la forme que si elle interfère avec le fond. L’article sur les Humeurs Cérébrales est finalement passé sans remarque. Celui sur le Pelou fait l’objet de quelques observations dont une qui m’agace un peu au sujet d’un paragraphe vaguement technique : « on comprend mais c’est pas simple, est-ce possible de simplifier ? ». Je n’aime pas trop qu’on prenne les lecteurs de la Trousse pour des c** mais je m’exécute en me demandant si les rédacteurs de la rubrique Ecophil ou de la langue d’Esope – qui traitent de sujets complexes – a droit au même traitement sachant que leurs auteurs sont des historiques du journal ?
De la boite mail à la boite aux lettres et vice versa
L’étape suivante sera la relecture par le comité chargé de débusquer fautes de grammaire ou d’orthographe. Cette étape se passe sans retour vers le rédacteur, je découvre donc la version finale au moment de l’édition définitive. Ce que je craignais n’arrive finalement pas. Participer à l’élaboration du canard n’émousse en rien le plaisir de sa lecture. La publication du courrier d’un lecteur et quelques lignes dispersées par-ci par-là et particulièrement élogieuses pour tel asso ou tel œuvre locale me confirme que l’on est bien aussi dans un journal de potes. Mais après tout, tout cela n’est que la manifestation d’un « monde alternatif » qui se sert les coudes autour d’un rêve commun de société ? Et puis on ne m’a pas non plus demandé mes papiers pour franchir le seuil, à chacun d’oser entrer dans la bande ! Mais pas le temps de s’attarder, le mail visant à organiser la réunion de lancement du numéro suivant est déjà dans les boites de réception. Je commence à réfléchir aux sujets que je pourrais proposer. Et si j’écrivais quelque-chose sur mon « infiltration » à la Trousse ? S’ils osent publier un truc pareil, ça sera quand même un sacré signe d’auto-dérision !