Panneau rouge avec l'inscription "Aide recherchée" planté dans l'herbe, symbolisant le besoin de soutien et de solidarité pour les éleveurs en difficulté, comme Agathe de la ferme de Nouillane, face aux défis des arrêts forcés et au manque de remplaçants dans le secteur agricole.

Qui va traire demain ?

Début juillet 2024, Agathe, éleveuse de chèvres à la ferme de Nouillane, s’est blessée assez gravement en faisant les foins. Dans sa lettre de remerciement à tous les soutiens que la ferme a reçus, Agathe aborde des questions qui semblent fondamentales. Il y a des métiers où, si vous n’êtes pas remplacé, les conséquences sont quasi inexistantes, David Graebber le décrit bien dans son livre Bullshit jobs. En agriculture et en élevage en particulier ce n’est pas le cas. D’après un sondage de web agri en 2022 : 51 % des éleveurs ne prennent pas de congés, et pour ceux qui prennent des congés : « 19 % ont pris moins d’une semaine, 20 % ont pris une à deux semaines », dans l’année. Seuls sur une ferme les paysans et paysannes travaillent souvent 7 jours sur 7, et pas seulement les éleveurs.
Témoignage d’un arrêt forcé.

Bonjour à tous,

[…] Un giga merci à tous ! Voici donc des nouvelles, pour ceux que ça intéresse :
La cagnotte reste ouverte encore dix jours mais l’objectif est déjà presque atteint et, avec les fonds récoltés lors de la méga-super-soirée du 26 juillet à la ferme, organisée par Bière Patate1 et portée par le Chaplati2, nous pouvons payer en grande partie les frais de remplacement qu’implique mon arrêt.

Depuis l’accident, Adriane continue de s’occuper de la commercialisation et de soutenir Suzanne dans les grosses journées, et Lucile vient quatre jours par semaine jusqu’à la fin du mois. Grâce à elles, aux copains bénévoles qui ont filé plein de coups de main, et grâce à vous, le lait a continué de couler et les fromages de se rendre au marché.
À partir du mois de septembre, nous embauchons Jules, qui poursuivra mon remplacement jusqu’à la fin de la saison. En effet, je vais mieux et je retourne un peu en fromagerie, mais je suis encore bien cabossée et j’attends une IRM du genou début septembre. Mais le moral est là, les chèvres vont bien et je le vois presque comme une opportunité de laisser de la place. (Special Big Up à Suzanne qui assure en première ligne.)

Pour tout·e·s les paysannes et paysans, se blesser, tomber malade, être épuisé, est souvent sans issue. La MSA a créé un dispositif de répit d’une durée de quinze jours, qui est très compliqué à activer, non renouvelable et étudié sur présentation d’un certificat médical. En cas d’arrêt de travail, la prise en charge d’un remplacement n’est que partielle (moins de 50 %) et sur une durée très courte (100 h), et pas systématique. Le service de remplacement, censé être associatif, fonctionne comme une entreprise lucrative, géré en Corrèze par Agri Emploi, agence de travail montée par la FNSEA et basée à la chambre d’agriculture. Et il n’a souvent aucun·e remplaçant·e à nous proposer.

Alors que nos métiers sont fatigants, à risque (comme beaucoup d’autres) et qu’une ferme avec des animaux ne peut s’arrêter de tourner une seule journée, la solidarité se présente comme la seule solution alors que des institutions revendiquent son rôle. (Tiens, ça rappelle d’autres cas de figures…) C’est réconfortant quand on sait la mobiliser et que ça fonctionne, et ça permet de passer le cap, mais au long terme ? …

Le collectif, qu’il s’exerce sur un lieu ou entre plusieurs fermes, apparaît comme la seule solution autonome et renouvelable à notre portée pour éviter des crises urgentes, ou pour les résoudre plus simplement.
Cette année,…
si Suzanne n’avait pas déjà été rodée depuis un peu plus d’un an au boulot de la ferme, présente dès le lendemain de l’accident à la traite (alors qu’elle aurait dû être en week-end), présente aussi pour former les nouveaux quand je pouvais à peine me lever,
si Adriane n’avait pas déjà fait les marchés,
si Alexandra n’avait pas déjà un peu bossé à la ferme l’année dernière en renfort,
si Gwen n’était pas présent au quotidien toute l’année pour entretenir la ferme qui est aussi son lieu de vie,
si Clémence et Brice n’avaient pas appris et pratiqué la traite à l’Echaravel,
si Margot, Nico, Fantine, Boris et d’autres ne venaient pas régulièrement filer la main le reste de l’année, alors tout ce petit monde plein de bonne volonté aurait été comme une poule qui a trouvé un couteau : adieu veau, vache, cochon (c’est une poule assez violente !).

MERCI MERCI donc à tous, c’est en groupant nos moyens qu’on fait tourner le monde, enfin la ferme, ce qui est déjà pas mal.

À très bientôt,
Agathe

  1. Collectif qui œuvre autour d’Argentat pour une autonomie alimentaire en plantant des patates, en préparant de délicieuses frites et en brassant avec amour. collectifbierepatate@proton.me
  2. Le Chaplati, association agriculturelle vivante, siège à la ferme de Nouillane (19150 Espagnac) et a pour ambition d’animer une zone rurale, de mettre en lien ses habitants et de susciter la discussion autour de sujets de société.
    chaplati.nouillane@gmail.com

À consulter également

Un éclairage partial pour les commissaires enquêteurs limousins

Certains projets sont soumis à enquête publique. C’est le cas par exemple d’un projet de …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.