LAGUENNE, côté jardin

N’y aurait-il pas quelque rivalité voire, qui sait, un soupçon de jalousie à l’égard de Sainte-Fortunade de la part de Laguenne ? La première est propriétaire d’un charmant château, siège de la mairie, ceint d’un agréable parc. La seconde, qui l’a longtemps convoité, a acquis le domaine abandonné de la Salvanie, « château », parc et bois de plusieurs hectares. Toujours est-il que la cité guennoise, après avoir nettoyé ledit parc gagné au fil des ans par la friche, entend faire de cet espace un lieu de rendez-vous ouvert à tous et le cadre de festivités. Bientôt champêtre, la Fête des vendanges !

Le parc de la Salvanie, peut-être prochainement rebaptisé Jardins de la Salvanie, pourrait retrouver le charme d’autrefois, quand, de génération en génération depuis le 14ème siècle, cette vieille famille de noble extraction pouvait en jouir à l’abri du regard des manants, derrière de hauts murs de pierre. De privés, ces jardins deviendront publics.

La commune ne lésine pas sur les moyens. Elle a fait appel à un bureau d’études clermontois pour l’assister dans son projet¹. Urbanistes, architectes et aménageurs de tous poils excellent dans cet exercice qui consiste à faire rêver au moyen de figures, esquisses, projections 3D et autres astuces graphiques, autant de représentations stéréotypées permises par les logiciels d’aujourd’hui. Foin de la nostalgie : le carnet de croquis et la table à dessin, le crayon de bois et la gomme ne sont plus que les instruments de quelques romantiques. Faire vibrer la corde de l’imaginaire. Pour cela, il faut aussi les mots propres à l’interprétation de l’image imprimée ou projetée sur écran. Alors on convoque la mémoire et les traditions locales, marqueurs « identitaires » des lieux pour les vivants, on questionne le topos (lieu) et la terre (gê) pour (re)construire des symboles unificateurs, des signes qui rassemblent, qui permettent de faire corps. Ça fait toujours du bien en ces temps de fragmentation.

Mais de la place du corps, justement, en est-il question dans ce projet de jardins ?
Seulement sur les esquisses, sous formes de silhouettes de promeneurs ou de personnes assises : corps détendus, au repos. Disciplinés. Pourra-t-on grimper dans les arbres, faire des petits moulins ou des barrages de cailloux dans la Gannette ? Les gloses n’en disent presque rien. Roger Chassagnard, le maire, pose son doigt sur l’esquisse pour pointer l’espace réservé aux jeux : du croquet… au drone !
Et les sens ? On tentera de neutraliser les agressions sonores extérieures : en entrée d’agglomération, bordé de la RD 1120, le site est exposé au bruit. « Ce thème qui semble plus une contrainte est ici « malmené » et détourné… pour créer un jardin mélodique où le son et les sonorités s’imposent au bruit de la circulation. » Que les Guennois se rassurent : A3-Paysage a pensé à tout !

Au fait, les habitants de Laguenne ont-ils été invités à donner leur avis. Non, c’est prématuré, semble-t-il. On attendra que le projet soit plus finement travaillé. Autant dire qu’on se passera de leur avis. Et le montant des travaux n’a-t-il pas fait débat ? Roger Chassagnard veut croire que les entreprises sauront rester raisonnables et que la note n’atteindra pas le million d’euros, coût total estimé par le bureau d’études².

Quid du « château » et de ses dépendances ? Son abandon depuis plus de quarante ans oblige la commune à réaliser d’importants travaux, prioritairement pour la mise hors d’eau et hors d’air. Une enveloppe de
600 000 € est réservée ! Dans quel dessein ?
Roger Chassagnard souhaite accueillir à la Salvanie un chef étoilé. C’était presque gagné il y a peu, mais le chef en question n’était pas disposé à patienter jusqu’à la fin de la restauration de la bâtisse. Notre journal se montre coopératif : quoique lecteur ou lectrice assidue de la Trousse corrézienne, si vous êtes chef étoilé ou s’il existe, parmi vos connaissances, une telle éminence, contactez nous sans délais. Nous nous chargeons de la médiation.

1 – A3-Paysage
2 – 1 078 286 € HT

par Didier Bertholy

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