En 2016, la Trousse avait mis le nez dans les poubelles des grandes surfaces corréziennes pour voir si la loi anti-gaspillage alimentaire qui venait d’être promulguée était bien appliquée (cf trousse n° 13). Cette fois-ci, c’est le non-alimentaire qui nous a intéressés.
Le 4 juin dernier, le premier ministre a annoncé que « la destruction des produits invendus non alimentaires, tels que les vêtements, l’électroménager, les produits d’hygiène ou de beauté, sera interdite en France d’ici deux à quatre ans ».
Cette déclaration fait suite à la pression croissante de nombreuses associations, choquées d’apprendre que de grandes enseignes détruisent chaque année plusieurs tonnes de vêtements neufs invendus plutôt que de les donner ou même les recycler (douze tonnes par an pour H§M).
« C’est un gaspillage qui choque l’entendement, [qui est] scandaleux », a déclaré Édouard Philippe, aux côtés de la secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique, Brune Poirson, puisque c’est elle qui prépare le projet de loi. Or dans sa déclaration de début juin, le premier ministre ajoute : « Notre idée, ce n’est pas de contraindre ou d’imposer, mais d’accompagner les entreprises dans la gestion de leurs stocks, de leur production, du recyclage de leurs produits, […] faire en sorte que nous passions à une étape nouvelle de notre fonctionnement économique. »
Pas de contraindre ou d’imposer ? Pincez-moi, je rêve… Et comment Édouard pense-t-il pouvoir imposer à ces entreprises (à l’oppposé du philanthropisme, faut-il le rappeler) de dédier des heures à perte pour trier, stocker, contacter les associations, gérer et financer les transports ? Comment sans bâton conséquent ?
Nous sommes allés questionner quelques grandes enseignes présentes à Tulle et Brive, afin de savoir quelles sont leurs pratiques actuelles en terme de gestion des invendus.
De manière générale, les employés et gérants de magasin rencontrés nous ont dit avoir très peu d’invendus et quasiment aucune destruction. Leur objectif étant de vendre à tout prix afin de se faire une marge, même minime, tous pratiquent les prix cassés. à Cash converter, tout finit par partir, même la vieille console has-been, du moment que le prix soit bas. Seuls les livres et DVD finissent parfois par aller au rebut, direction déchetterie. à Décathlon, King Jouet, Darty, même discours ; on casse les prix, on ressort d’anciens invendus lors des soldes, et tout finit par se vendre.
Aucune destruction à Casa Tulle non plus, chez qui par contre les gérants n’ont aucune marge décisionnelle quant aux réductions à opérer sur les prix. Si ça ne se vend pas, on stocke et on ressort l’année suivante, pour les soldes ; sauf que les réductions opérées sont tellement minimes que le magasin vend de moins en moins et les stocks augmentent. Mais pas l’espace de stockage, avec des piles d’invendus qui s’accumulent dangereusement et dépriment les employés.
Pour les vêtements, c’est un peu différent : à H§M, du pareil au même, ou encore la Halle aux vêtements où les vendeuses font repartir les stocks d’invendus vers la maison mère, sans savoir ce qu’ils deviennent. Et la Trousse n’a pas les moyens humains d’aller enquêter auprès de ces grandes enseignes.
Lors de notre road movie poubellistique de 2016, nous avions constaté que le compostage des invendus indiqué par la loi n’était pas appliqué, les containers dévoilant des kilos de produits périmés encore dans leurs emballages. Or il n’y avait personne pour taper sur les doigts des directeurs de supermarchés. Il semble probable qu’il n’y ait pas plus d’émissaire mandaté par l’état cette fois-ci pour vérifier la bonne application de la nouvelle loi.
Par Rima