Dessin d'un escargot tirant une lourde charge marquée d'une croix verte, symbolisant les lenteurs administratives de la MSA et les difficultés à obtenir des prestations sociales.

Précarité et pauvreté forcées avec la MSA

Retards importants de versement des prestations sociales, dossiers déclarés incomplets deux ou trois fois mais sans liste de documents nécessaires à fournir, pas de nouvelles pendant des mois, documents demandés et envoyés plusieurs fois… Que se passe-t-il à la MSA1 ? C’est courant depuis des années, et pas qu’en Corrèze. Voyons quelques témoignages.

Justine*
– Suite à une reconversion professionnelle, je m’installe en vente de plantes d’ornement et production florale. Je m’inscris donc à la chambre d’agriculture et à la mutuelle sociale agricole (qui gère les prestations sociales), en tant que cotisant solidaire, statut différent de celui d’exploitant, équivalent à une microentreprise. Mère isolée, la trentaine avec un enfant de sept ans, le dossier de mutation – allocation logement, prime d’activité – a mis cinq mois pour être enfin bouclé. J’ai passé des heures au téléphone et dans les bureaux de la MSA, il leur manquait toujours quelque chose, mais comment le savoir puisqu’ils ne me le demandaient pas ? Cela étant réglé, j’ai fait une demande de CMU, je suis restée un an avec mon enfant sans rien ! Sans couverture de santé non plus, sans rien ! Épuisée par leur laxisme, j’ai arrêté mon activité agricole et suis repartie salariée au régime général. Et là, tous mes droits ont été ouverts dans le mois qui a suivi, à la CPAM et à la CAF ! Ils m’ont traumatisée, j’étais si angoissée, je galérais tellement à cette époque. Je ne veux plus avoir affaire à eux, c’est indigne, à mon sens, de laisser les personnes qui s’installent sans aides, moi je n’avais pas d’argent de côté, et pas de DJA. J’avais un projet, mais sans aucune petite aide, comment embrayer ?

Céline*
– Il y a dix-huit ans en Île-de-France, j’étais déjà inscrite à la MSA, seule avec ma fille d’un an et demi et, je suis restée sans allocation logement pendant plus d’un an. Je constate aujourd’hui qu’ici ou ailleurs, c’est toujours pareil. En Corrèze, j’ai demandé une aide RSA activité en avril 2023, sans mutation puisque je suis inscrite depuis vingt ans, j’avais besoin d’un coup de pouce pour mon activité agricole. Malgré mes multiples messages, mails, pour lesquels je reçois toujours la même réponse automatisée signée : « votre gestionnaire » sans nom précis, nous sommes en mai 2024 et je n’ai toujours pas de réponse… Je n’ai rien touché, depuis un an, mais j’ai reçu un avis de contrôle de ressources bien complet prévu dans quelques semaines…

André*
– En 2019 je m’installe en maraîchage en tant que cotisant, je passe exploitant quelques années plus tard et demande de l’aide avec le RSA. Mon dossier traîne, rien n’avance, ils me redemandent sans cesse des papiers déjà fournis… Je suis resté deux ans sans cette aide et j’ai dû me débrouiller ; au bout du compte j’ai pris rendez-vous avec la MSA qui a tout débloqué mais ça n’empêche que j’ai perdu deux ans de prestations.

Madeleine*
– Étant artisane, j’ai muté vers la MSA en janvier 2023. Les droits CAF, logement, prime d’activité et complément RSA sont passés entre les mains de la MSA. J’ai eu droit à tout : documents envoyés jamais reçus, qu’ils m’ont ensuite redemandés, et des nouveaux qu’ils me demandaient six mois plus tard. Résultat, mon dossier traîne. Février 2024, après de multiples rendez-vous, appels, mails, assistantes sociales de la MSD, je décide de déposer une réclamation car je n’obtiens toujours aucun versement. Une petite partie de mes droits est débloquée. En avril je dépose deux réclamations et saisis le médiateur MSA (celui-ci ne peut être contacté que deux mois après la première réclamation, selon le protocole en vigueur). J’ai reçu dernièrement un message m’indiquant que je vais (enfin) toucher mes prestations, quinze mois après l’inscription. À ce jour, le médiateur n’a toujours pas pris contact avec moi
et le versement n’est toujours pas effectué. La MSA c’est une galère pas possible, beaucoup de gens abandonnent leurs droits par usure. Les petits paysans n’ont pas d’aide de l’Europe, nos terrains sont trop petits pour toucher une aide de la PAC, minuscule, on demande alors des coups de pouce RSA – auquel on a droit – pour nous aider à passer le cap de l’installation. Et voilà les galères que plein de personnes vivent sur tout le territoire national2.

Joséphine*
– En 2019, je m’installe en GAEC dans le Lot-et-Garonne et je donne naissance à une petite fille. On est resté un an sans régime de santé ! Finalement j’arrive à en obtenir un… En 2021 je quitte le GAEC, monte une microentreprise d’artisanat et les prestations familiales sont reprises par la CAF, mais la MSA garde les prestations santé. Un an après avoir quitté le GAEC, je reçois un appel de cotisation, alors que l’administration confirme la clôture de mon dossier. En 2022 nous arrivons en Corrèze, et là pendant neuf mois, pas de sécu ! En 2023 je finalise la demande de mutation de dossier du département 47 au 19, car je suis porteuse de projet agricole en Corrèze. Le traitement du dossier dure six mois, sans revenus. La MSA19 refuse de prendre en charge mon dossier, prétextant que je suis cotisant solidaire ! Et de l’autre côté, la CAF soutient que ce n’est plus à eux de suivre le dossier, puisque je suis en secteur agricole. Incroyable. En ce moment (mai 2024), la CAF et la MSA sont en train de jouer au ping-pong pour savoir qui doit prendre en charge mes prestations sociales. Et les cotisations. Et ma demande de RSA. Ni l’une ni l’autre ne veut le dossier !

Lucienne*
– Quand j’ai déménagé en Corrèze (il y a environ cinq ans), mon dossier MSA a été transféré en Dordogne, allez savoir pourquoi, je n’ai jamais habité dans le 24. Aujourd’hui encore, quand je vais sur « mon espace privé » je suis toujours inscrite en Dordogne… Nous sommes en 2024.

*Les prénoms ont été changés

  1. Lexique de l’apprenti paysan :
  • CAF : caisse d’allocations familiales
  • CMU : couverture maladie universelle – remplacée depuis 2016 par la
  • complémentaire santé solidaire
  • CPAM : caisse primaire d’assurance maladie
  • DJA : dotation jeune agriculteur, aide financière versée au démarrage quand on
  • acquiert le statut officiel d’exploitant agricole
  • GAEC : groupement agricole d’exploitation en commun
  • MSA : mutualité sociale agricole
  • MSD : maison de la solidarité départementale
  • PAC : politique agricole commune, aides de l’Union européenne
  • RSA : revenu de solidarité active
  1. Mauricette suggère donc une méthode tout à fait réglementaire en trois étapes : réclamation, médiateur, et tribunal administratif. « Il faut se battre pour conserver nos droits » !
  • Sur internet, sur votre espace privé MSA, déposez une réclamation.
  • Deux mois plus tard, s’il n’y a pas d’avancée sur le dossier, vous avez le droit desaisir le médiateur MSA par internet.
  • Pas de retour ? Vous commencez par menacer de saisir le tribunal administratif. Et vous le faites si rien n’y fait !

Par MAURICETTE ET GASTON

Essayer encore

La démocratie est-elle condamnée à la démagogie ?

Démocratie et démagogie partagent une étymologie commune, celle du peuple (dêmos). La première dénote sa …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.