L’autre jour, je suis allé donner mon sang. Avec, dans ma tête, le souvenir encore tout frais d’une conférence gesticulée m’ayant révélé que notre civilisation de l’avoir est aussi celle des plaisirs sans joie dont l’emblème pourrait être le sucre.
À l’heure de la collation, on m’a proposé pour nourriture un tas de produits sucrés, comme si cela était reconnu comme sain et sans danger, alors même que nous sommes en train d’effectuer une démarche pour défendre la santé de tous. Et aussi des charcuteries, ce qui est un peu mieux mais tout de même pas idéal. Et des bananes, comme chacun sait, forcément produites près d’ici et ayant les qualités qui sont les leurs lorsqu’elles sont consommées après maturation naturelle là où elles ont poussé. La compote proposée était industrielle, avec sucre ajouté et dans un pot plastique. Pas idéal non plus dans une démarche de santé publique.
Les collectes de sang devraient se saisir de l’opportunité qu’elles ont de donner l’exemple des bonnes pratiques, elles font tout le contraire. Elles doivent, certes, respecter des consignes strictes d’hygiène, mais l’art de se nourrir a lui aussi des règles d’hygiènes à suivre. Alors, pourquoi nous donne-t-on l’impression d’être en train de défendre le beurre de ce producteur de betteraves sucrières qui, l’autre soir sur Arte, disait son « impératif » besoin d’un certain pesticide pour produire ce qui, plus tard, nous arrosera de sucre (incluant des traces d’herbicides et autres fongicides) ? Les fêtes foraines comme celle qui, au même moment, se tenait à deux pas, n’en font-elles pas déjà assez ? Ces grandes fêtes des plaisirs sans joie sont apparues au 19e siècle comme pour accompagner le flamboyant essor de notre civilisation industrielle marchande. Elles y sont associées par les démonstrations des progrès technologiques que sont certains de leurs manèges et par les origines coloniales du… sucre. Ces « fêtes » remplissent là, et merveilleusement, un rôle d’influenceur à destination des enfants, futurs grands consommateurs des multiples plaisirs que leur fournira l’industrie.
La prochaine fois que j’irai donner mon sang, j’apporterai mon panier
Par FRANÇOIS CHEVALIER