Le jeudi 24 octobre 2024, au domaine du château de Sédières, se tenaient les « Assises de la forêt et du bois » organisées par Fibois Nouvelle-Aquitaine, l’interprofession régionale de la filière forêt-bois-papier. Étaient invités les professionnels, exploitants forestiers, experts et gestionnaires, artisans, propriétaires forestiers, et aussi les élus locaux, les chercheurs et étudiants, les naturalistes et les associations et collectifs intéressés, les loups, les agneaux et monsieur le préfet. Pour une journée d’échange et d’information autour de la forêt, du bois et du changement climatique.
Environ 250 personnes concernées par le sujet, dont des élus des trois départements limousins, étaient donc présentes, pour trois tables rondes. Deux le matin et une l’après-midi. Ce qui donna des assises traitant moult sujets brûlants en moins de huit heures au total. Rentable.
Au vu de la quantité de propos tenus par près de trente personnages, voici quelques extraits.
« L’état des lieux de la forêt et poids de la filière en Limousin »
Première table-ronde,avec des représentants d’entreprises forestières, du lycée forestier de Meymac et du Centre national de la propriété forestière (CNPF) Nouvelle-Aquitaine.
Stéphane Latour, du CNPF et Christophe Prince, responsable de l’observatoire de Fibois Nouvelle-Aquitaine, ont par exemple présenté de très nombreux chiffres sur l’évolution des forêts en Limousin et la production de bois, pointant l’augmentation importante des surfaces boisées en un siècle et demi, la multitude de propriétaires possédant de toutes petites surfaces de moins de trois hectares et le manque global de culture forestière.
« Quelles attentes de la société civile vis-à-vis de la forêt ? »
Deuxième table-ronde en fin de matinée, avec une architecte, le président du Parc naturel régional de Millevaches, des responsables de l’association l’Aubraie, du Programme de reconnaissance des certifications forestières (PEFC) France et de la coopérative forestière Bourgogne Limousin (CFBL).
Là, sur un sujet chaud de chaud, Laurent Carayol de l’Aubraie et Philippe Brugère, maire de Meymac et présent au titre du PNR Millevaches ont tenté d’avancer leurs arguments pour une sylviculture à couvert continu avec des essences variées. Leurs propos se sont complétés, le premier lançant une alerte contre le projet de foresterie industrielle de Biosyl à Guéret. Le deuxième pour un accompagnement indispensable de la filière afin de changer les pratiques, le matériel et les formations pour une transformation du modèle économique axée sur une forêt permanente et une vraie sylviculture protégeant la biodiversité. Objectifs peu entendus par le représentant de la CFBL qui parvint à réunir dans un même discours la pertinence des coupes rases et le devoir de respecter les cours d’eau, les oiseaux et des îlots de sénescence en prétextant du changement climatique.
« Face aux changements globaux, quelles perspectives pour la filière ? »
Troisième table-ronde en début d’après-midi, en présence d’un climatologue, d’un expert forestier et de représentants de FargesBois et d’entreprises forestières.
Difficile de synthétiser l’ensemble des échanges si ce n’est pointer une volonté farouche de continuer à enrésiner, coûte que coûte, quitte à tomber dans le piège de la prédiction auto-réalisatrice («regardez, les feuillus disparaissent ! »). Et espérer que des solutions techniques, la sélection et le choix des essences, la génétique, les pépinières et les replantations arrivent à faire oublier le ralentissement de la productivité du aux parasites, aux maladies, aux incendies, aux tempêtes, à la mortalité naturelle qui augmente… Difficile de faire le poids en parlant – comme l’a fait l’expert forestier Étienne Roger – d’humilité, de temps long et de couvert continu, indispensable pour la régénération de certaines variétés.
Les conclusions ont reflété, à nouveau, l’angle mort de l’absence de prise en compte des services écosystémiques rendus par les forêts, et pour cause, Fibois s’occupe de son domaine économique qui est de produire du bois.
Retour à la case départ : il y a un siècle, Marius Vazeilles (forestier, homme politique et archéologue) conseillait et organisait la plantation de résineux et leur abattage industriel ; aujourd’hui, on fait pareil mais « plus vite, plus haut, plus fort » et on dit que c’est la solution écologique ? Et sereinement, quand est-ce qu’on écoute un peu les habitants, les écologues, les spécialistes de l’eau et des sols ? Quand est-ce qu’on concrétise d’autres pistes ? Et l’État, garant d’un minimum de concertation, il est où ?
Par GILLY L’ÉCUREUIL