Au travers des rues de Tulle, les couleurs des Jeux olympiques (JO) apparaissent. L’occasion de se
questionner sur les valeurs sportives. Coopération ? Compétition ? Capitalisation ? Mes difficultés d’apprentissages psychomoteurs ont accru un manque de confiance en moi, notamment dans le sport. Mais les clubs acceptant l’adversité, la diversité m’ont permis au contraire d’accepter l’autre et par conséquent moi-même. C’est ce que j’ai pu trouver dans la pratique des arts martiaux, accompagnant les gestes de chacun.
Aujourd’hui impliqué dans le cercle de boxe tulliste, je réalise que si cette association entraîne de nombreux jeunes titrés au niveau national, c’est sans aucun doute car elle sait accompagner individuellement chaque joueur, s’adaptant avant tout aux particularités de chacun.
« La compétition proprement dite n’est pas favorable aux apprentissages quels qu’ils soient »
La compétition engage la discrimination, et concilie rarement les objectifs communs de « développement ». On sait que dans le domaine sportif, l’encouragement à la compétition et au dépassement de soi peut être mortifère pour de nombreux jeunes qui s’y consacrent avec trop d’engagement, avec des risques pour leur santé. Une activité compétitive intense peut générer des effets potentiellement délétères, il est par conséquent vital que les coachs accompagnent leurs joueurs dans un bien-être physique et mental.
Comment faire de la compétition un catalyseur d’inclusion alors qu’elle est structurée autour du contraire ?
Les convictions dans les pratiques sportives sont les reflets des valeurs (marchandes ou non) de leur société. Le tapage des JO sous l’égide d’une iconique boisson gazeuse américaine instrumentalise l’image positive des pratiques sportives. Nous sommes ainsi bernés, bercés par l’illusion d’une accessibilité idyllique au sport, galvaudant les valeurs de l’olympisme. Un sport plus proche de l’équité que de l’égalité doit toutefois fondamentalement être mis en œuvre. L’urgence d’une transition vers un modèle de développement enfin respectueux des équilibres naturels de la planète et de la dignité des hommes nécessite plus que jamais de rompre avec la loi de la jungle, celle du plus fort.
Deux de mes enfants ayant des besoins particuliers pour leurs apprentissages, je rencontre en tant que parent les combats administratifs (MDPH, GEVA-sco, rencontres avec les spécialistes et le personnel enseignant…)1. Le sport devient alors dans ses accompagnements soit un espace où la différence et le handicap fustigent soit un facilitateur d’expression et de mise en confiance. Les troubles psychomoteurs ont ainsi poussé mon fils à se mettre lui-même à l’écart de son club de judo tandis que A’tous Cirk a permis à son aîné de s’essayer dans des espaces où l’appréhension prenait auparavant le dessus émotionnellement.
Les questions posées par la compétition ne sont pas neutres face à la question des inégalités, car les perdants des compétitions sont encore et toujours les mêmes et ce ne sont pas les quelques exceptions que l’on met en avant qui corrigent les statistiques défavorables aux enfants des milieux populaires, que ce soit dans les domaines sociaux, sportifs ou scolaires. La principale conséquence de la compétition sur les individus est d’amoindrir leur estime d’eux-mêmes puisqu’ils n’ont pas ou trop peu d’occasions de réussir au regard des autres.
La coopération peut devenir une dimension décisive du sport, en particulier des sports collectifs
On reproche souvent à certains joueurs autocentrés de « jouer personnel » alors qu’ils devraient « jouer collectif » mais pour que l’apprenti joueur ait cette notion de « collectif », il faut qu’il soit accompagné dans cette démarche. Pour exemple, ma fille de 8 ans est basketteuse dans un club corrézien et en fait les frais régulièrement. En fonction de son entraîneuse, elle reste plus ou moins longtemps sur le banc de touche, passant de jeune joueuse dynamique enjouée à spectatrice de sa propre équipe. En exhibant les facilitateurs de performances dès l’enfance, certains entraîneurs développent ainsi la technique et l’individualisme parmi les meilleurs joueurs de l’équipe. Le ressentiment et l’aigreur des joueurs en
difficulté accentuent l’écart et retirent le « faire équipe ». L’objectif principal des sports collectifs est d’inclure l’individu au service de tous ; l’ensemble tire un avantage compétitif du groupe. Sans dimension morale, la solidarité dans une équipe s’apparente à une forme de stratégie permettant de développer des avantages compétitifs qui rend les enjeux ambigus.
Le sport nécessite de cultiver la solidarité. Il y a quelques années, le professeur d’éducation physique et sportive (EPS) du lycée professionnel Barbanceys de Neuvic l’avait bien compris en faisant équipe avec les individualités de son groupe (handicap, sexe, âge…) dans le cadre des compétitions de l’union nationale du sport scolaire (UNSS). C’est d’ailleurs par ce biais que ma fille aînée a pu être récompensée du trophée Camille Muffat, pour son parcours sportif, scolaire et son engagement au sein de l’association sportive de son établissement.
Il faut donc que chaque participant différencie compétition entre individus d’une même équipe et compétition entre deux équipes rivales. Dans une équipe, chaque joueur est lié à ses camarades : vainqueur ou perdant leur destin est identique. Mais pour développer la solidarité dès le plus jeune âge, il faut reconnaître à chacun la même contribution à la victoire car généralement ceux qui ont bien joué sortent grandis individuellement tandis que les autres souffrent de leur contre-performance. Ce principe d’assumer une victoire par le collectif incorpore en effet l’inclusion et l’acceptation.
La solidarité et la compétition, comme la coopération et la rivalité, sont souvent en opposition alors qu’elles peuvent résulter les unes des autres. Le Club de canoë-kayak d’Uzerche (CKU) a par exemple pu développer une section sportive kayak au collège Gaucelm Faidit d’Uzerche, profitant sans aucun doute de la renommée de Lucie Prioux, kayakiste multimédaillée, originaire de la perle du Limousin.
Mais attention ! La solidarité n’est pas seulement une valeur, elle est aussi un principe permettant de renforcer la cohésion sociale. Finalement, le véritable olympisme devrait être une forme d’équilibre entre solidarité et compétition. Le sport émancipateur renvoie à la question de la justice sociale, c’est-à-dire comment comprendre, accepter et légitimer la diversité.
- MDPH : Maison départementale des personnes handicapées. GEVA-sco : guide d’évaluation des besoins de compensation en matière de scolarisation.
Par COLAS JUTEAU