Dessin représentant la maison de Manu à Malmaury, entourée de végétation luxuriante. Un lieu inspirant, où la nature et l’humain cohabitent harmonieusement.

Manu et les jardins de Malmaury

Manu, c’est un gamin de 50 balais qui réalise son rêve avec une joie non cachée. L’idée de jardins-pépinière-lieu d’accueil me plaît, je suis allée à sa rencontre.
Le lieu est perché sur une colline d’Albussac, en arrivant d’en bas, sa haute maison et sa longue grange accolée ressemblent à un bateau. Je sens qu’un voyage m’attend.

Le sien a été long avant de pouvoir jeter l’ancre à Malmaury, mais sa patience a été récompensée. Il découvre à l’hiver 2018 ce lieu dont le potentiel correspond à ce qu’il en tête. Il y a beaucoup de travaux, il bosse à la réfection du lieu, à s’occuper des plantes, mais aussi comme éducateur jusqu’il y a peu. Il fait des démarches, obtient des financements, avance. Pour réussir à s’attaquer à un gros morceau : construire une serre contre sa grange afin que l’ensemble forme à terme une serre bioclimatique. La structure est montée avec du bois local et l’aide d’un artisan, local lui aussi. Puis c’est le point mort. Coincé dans les récifs de l’administration. Il n’a plus un sou en poche, il faut un toit, irriguer. La chambre d’agriculture finance une partie. Sur présentation de factures. Il faudrait donc poursuivre les travaux avec une trésorerie à zéro… Je voulais parler de son parcours du combattant, il m’a dit : « Je préfère qu’on parle des arbres ».

L’arche que forme un arbre penché, sous lequel on peut passer pour entrer, me fait penser à l’embarcation de Noé, version végétale. C’est aussi luxuriant qu’harmonieux, des plantes grasses qui poussent dans une souche sous le cerisier du Japon, de la sauge à fleurs… peu nombreux sont les spécimens que je peux nommer. Sur ma droite un escalier qui descend, mais pour accéder au pont, il faut grimper deux marches, au milieu, une rose trémière, dont l’épanouissement prouve que l’humain est habitué à la contourner. Puis on doit baisser la tête pour éviter la glycine, gigantesque et pourtant toute jeune. « C’était une fleur ! » me dit-il en mimant la taille avec les mains. Je vois sa stupéfaction et sa joie de me parler d’elle. Comme si en poussant telle un haricot magique, elle lui chuchotait de continuer à croire en ce rêve, né au pied de la glycine du jardin de sa maman, il y a longtemps.

Je monte à bord. J’étais déjà sous le charme, que dire ! Je suis époustouflée, sa cuisine ressemble à une serre tropicale ! Je retiens que le berceau de Vénus est en fleur, le nom me plaît. « Justement, c’est l’idée. » Il ouvre une porte, celle-ci donne sur le premier étage de la grange, qui pourrait un jour devenir un espace pour les « individus qui ont besoin de plus de chaleur ». Il manque une partie du plancher, ce qui nous offre une vue plongeante sur les anciennes mangeoires à vaches transformées en bacs de culture. Il me montre du doigt où des oiseaux nichent, la cohabitation va de soi.

Nous nous rendons ensuite dans le petit jardin au pied de la glycine, c’est encore une autre ambiance, je comprends le pluriel des jardins de Malmaury. Trône au milieu d’un parterre d’agapanthes, de sauges sclarées, de chrysanthèmes, de framboisiers, un magnifique érable du Japon, compagnon de Manu depuis 25 ans. Il y a sur le côté, de l’eau, des boutures de saule crevette. J’essaie de noter ce qu’il me raconte, il me dit « Regarde ». Nous avançons un peu, sortons de cet espace dont l’agencement en plus du cerisier et de l’érable du Japon, fait penser à ce pays. Manu me dit aimer la manière qu’ont les Nippons de mettre en valeur les végétaux, ça se voit.

La vue se dégage sur le terrain – à son arrivée, un roncier et quelques beaux arbres – qui s’aménage progressivement. « Viens-voir mon cèdre ». J’ai vraiment l’impression qu’il me parle d’amis, d’enfants, on entend l’amour dans ses mots, et le soulagement. « Lui, ça fait 20 ans qu’il m’accompagne, il a enfin trouvé sa place. » Il me montre avec admiration la manière dont l’arbre se déleste et cicatrise d’une branche abîmée. Et le ginkgo biloba, vieux pote aussi, à qui il verse en signe de partage une larme de bière.

« Allez, on va charger le camion. » On traverse le sous-sol de la maison pour arriver au rez-de-chaussée de la grange. Wahou, de nouveau. Je vois pour la première fois un figuier de barbarie. Des semis de chênes d’Amérique, d’érables sycomore, des boutures de fruitiers… Il dit : « J’en profite pour faire un petit coucou à tout le monde ». Je l’entends s’extasier : « Ah là je suis content, regarde le liquidambar », j’écris liquide en bar, on se marre. Puis sérieusement : « C’est un arbre que je rêvais d’avoir ». Au milieu de la grange, des établis, solides, où il fait sa « cuisine » : boutures, semis, rempotages, mélanges de terres. J’admire la solidité des ouvrages qui reflète, plutôt que la précipitation, la minutie et la qualité. Il construit quelque chose qui survivra après lui.

Nous sortons, ou plutôt entrons dans un nouveau décor. Une mini forêt en pots ! Il s’approche d’un bac contenant des greffons de pommiers, tous corréziens. « Regarde la rochetaude un peu effilée, la macoune un peu ébouriffée, la reine des reinettes, la blandurette et la patte de loup qui démarrent doucement », les noms me paraissent sortis d’un conte.
Et encore il fait son petit tour, me présente tout le monde, nous devons choisir les plus beaux plants, « ceux qui nous inspirent » pour le marché. Les conifères et leurs jeunes pousses pimpantes, les hêtres « vert tendre », les tilleuls argentés, les saules, la viorne boule de neige et j’en passe. Il me raconte la fois où, au dernier moment, il a choisi d’emmener un sorbier des oiseleurs, qui trouva preneuse. Pas si courant. Manu aime le côté humain mais il fait peu de ventes au marché, l’obligeant à charger, décharger… « Les plantes ne sont pas faites pour être trimballées, à terme j’aimerais que les gens viennent à la pépinière, voir des sujets de collection, se promener, pique-niquer, boire un thé… »

Je l’ai observé au marché, et même si je trouve ses prix dérisoires, sa manière d’être à l’écoute, de susciter l’intérêt, de répondre aux questions, de confier ses plantes, ainsi que les passants m’ont convaincu qu’il était sur la bonne voie. Ils s’arrêtent, « parce que c’est beau », une dame de héler Manu « votre arbre fait la fierté de mon mari ». Il ne fera pas fortune mais pour sûr qu’il est en train de se constituer une clientèle fidèle qui, comme moi, parlera de lui et… à pas de fourmi, on peut faire de grandes choses.

Vous pouvez retrouver Manu sur les marchés d’Argentat le jeudi et de Tulle (cathédrale) le samedi. Ou à Malmaury en téléphonant au 06 14 49 76 86.


Par CIRCÉ PIEDECOCQ

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