Né le 14 décembre 1949 à Lostanges, dans la maison familiale du hameau de Labrue, diplômé d’un master en histoire et géographie, Gabriel, dit Gabi, arrête ses études universitaires en 1975 pour travailler. À la mort de son père en 1983, il est obligé de reprendre la ferme familiale. Aujourd’hui à la retraite, il continue d’étudier les phénomènes naturels autour de lui puisqu’il n’a pas pu faire le tour du monde. D’ailleurs, il préfère utiliser les termes Terre, globe et planète, « plus proches de la nature » que celui de monde qui se réfère à l’humanité, et recèle trop de « conneries » ou points négatifs comme les guerres, la pollution et les problèmes économiques.
S’il continue d’étudier les éléments météorologiques « déchaînés », c’est aussi pour s’abstenir de penser à son passé douloureux. Protéger ses arbres en les mettant chacun à la terre par un fil de fer pour leur éviter d’être foudroyés ou analyser la « géologie en marche » avec son demi-hectare de pré emporté par la solifluxion (glissement de terrain) le distrait de sa solitude. Célibataire, il n’a pratiquement plus de famille.
Élu depuis 1989, il est le plus ancien conseiller municipal : « C’est important de conserver et développer le lien social sur la commune, y chercher le patrimoine perdu. Lostanges en anglais signifie les anges perdus, c’est au figuré. La Vallée perdue aussi est au figuré, on conserve les traces des vieux moulins. Alors que le château du bourg était enterré, oublié, comme les chemins dans la forêt, les anciennes vignes, nous faisons notre possible pour les remettre en valeur. »
Gaby a hérité de pâturages et de forêts qu’il conserve et entretient « dans le respect des lois de la nature, ce qu’on appelle maintenant l’écologie ». Il pratique le jardinage semi-forestier de subsistance sur plusieurs parcelles. Il adapte sans préjugés son savoir-faire ancestral aux nouvelles méthodes de la permaculture.
Creuser son portrait à la manière du questionnaire de Proust nous renseigne sur cet homme délicat. Voici ses réponses.
Ma vertu préférée est la bonté, c’est-à-dire le partage, l’entraide. La qualité que je préfère chez un homme est toujours la bonté, corollaire de la joie de vivre. Chez la femme, à nouveau la bonté associée à l’instinct de liaison, de sympathie, de charme moral, pas seulement la beauté vulgaire qu’on trouve dans les pubs à la télé, toujours axée vers une sexualité abusive.
Mon principal trait de caractère tourne encore autour du mot bonté, des relations amicales, mais de celles qui ne cherchent pas à exploiter l’autre par une séduction exagérée. Il peut y avoir une fausse bonté qui peut piéger le partenaire ou l’interlocuteur. C’est ce que recherchent les pubs industrielles qu’on peut voir à la télévision, qui tournent tout vers l’argent. La société entraîne l’individu vers les forces du mal, voici ma théorie. Il y a trois forces du mal : la domination, se battre comme les chevreuils, la castagne chez l’homme ; le sexe, quand c’est plus que l’instinct de reproduction, entraîne une exploitation odieuse qui fait beaucoup de dégâts ; et le fric, la domination par l’argent. Qui sait limiter ses besoins est toujours assez riche ! Ce n’est pas le cas de la haute société : leurs besoins sont illimités et donc l’argent est drainé vers les hyper-riches qui en veulent toujours plus et qui appauvrissent le peuple et la société. On voit qu’en politique, on encourage les gens à des économies de bouts de chandelle. On le voit dans le budget des communes qui devient de plus en plus drastique, comme un arbre qu’on taille et dont il ne reste plus que le trognon. L’argent alimente des industries odieuses – je pense au porno qui exploite la sexualité des gens. L’argent entraîne les gens à se battre pour avoir la meilleure place, pour exploiter encore plus les autres. C’est cela les trois forces du mal : sexe, fric, castagne.
Ce que j’apprécie le plus chez mes amis, c’est la compagnie, partager et comparer des idées sur le monde actuel, par exemple disserter sur la réforme des retraites !
Mon principal défaut est la timidité, ne pas oser. Cela m’a empêché de saisir des occasions, la peur de se lancer.
Mes occupations préférées sont les travaux forestiers et le jardinage.
Mon rêve de bonheur ? Pouvoir voyager loin, sur des volcans, des montagnes, des déserts, voir et étudier des phénomènes géophysiques.
Quel serait mon plus grand malheur ? La perte de biens importants comme la maison, les outils, les arbres, si une tempête arrachait tous les arbres autour de la maison par exemple.
Ce que je voudrais être ? C’est difficile à dire, j’ai l’embarras du choix. Est-ce qu’un arbre est heureux ? Je ne sais pas. Ou un animal ? Est-ce qu’un faucon ne craint pas les dangers ? Peut-être un aigle pour profiter de la beauté des montagnes et se percher sur les cimes sans peur de tomber.
La fleur que j’aime ? Il y en a tellement de fleurs ! Je crois la jonquille, le narcisse qui annoncent le printemps, l’espoir. Les roses, elles sont belles parce qu’elles sont variées mais c’est un cliché.
L’oiseau que je préfère est le coucou. Le coucou est charmant. La chouette comme jeu de mots, elle anime la nuit.
Mon auteur favori en prose est Jules Verne pour les aventures ; il préfigurait toutes les nouveautés techniques du 19ème siècle. Mon poète préféré est La Fontaine ; avec ses fables il faisait tout un panorama de la nature, avec ces êtres et créatures entre elles, métaphores des différents caractères humains.
Mes compositeurs préférés ? Mozart était pas mal ; Jean Ferrat avec sa chanson La montagne : « Ils quittent un à un le pays, pour s’en aller gagner leur vie, loin de la terre où ils sont nés. » C’est un monument dans la chanson, à la fois poétique et une description sociale exacte, l’exode rural tel qu’il s’est pratiqué.
Mes peintres favoris sont Cézanne avec ses bouquets de fleurs et Van Gogh pour ses paysages.
Ce que je déteste par-dessus tout, ce sont les dégâts que l’homme peut faire avec ses mauvais penchants, ceux qui exploitent les autres pour le fric. On retourne sur les trois forces du mal, leurs manifestations sont multiples.
Les personnages historiques que je méprise le plus sont les grands dictateurs comme Hitler, Pinochet, Franco, Mussolini, l’ayatollah Khomeini…
Le fait militaire que j’admire le plus est le débarquement en Normandie.
Comment j’aimerais mourir ? Ça, c’est un peu indiscret : foudroyé sans souffrir, mort pour la science.
Mon état d’esprit actuel ? Chercher l’humour !
Ma devise favorite : Carpe diem, c’est-à-dire profiter des beautés et des plaisirs sur place à la façon d’Épicure. Cueille le jour, profite de l’instant présent.
DIANE BARATIER
[NDLR] La version papier de cet article contient une erreur particulièrement. Elle est ici corrigée.L’article a par ailleurs bénéficié d’une précision.