Le jour du décès, que faire ?
Depuis plusieurs années, des « rencontres mortelles » sont organisées sur le plateau de Millevaches, vers la Toussaint1. La mort, le décès, on en est où ? Échanger, s’informer, ré-insuffler du lien, parler du vécu et questionner les pratiques (inhumation, deuil), partager les informations et les témoignages, tout cela est permis grâce à un large éventail d’activités et d’intervenants. Conscientiser la perte de repères et ré-humaniser les rituels semble fondamental depuis la déprise religieuse et l’avancée des pratiques « industrielles » sans âme ni écoute véritable. Bref, il s’agit de « ré-enchanter la mort », et ce, sans tabou ni a priori religieux ou mercantile.
« Le jour du décès » a été abordé le 31 octobre 2023.Au départ, en lisant le programme, je n’ai pas bien compris. Le jour du décès, le mien donc, je suis sage, je ne bouge pas et qu’il y ait moins de frouchi-froucha autour de ma personne… Mais nooon (d’autres que moi se sont fait prendre) le jour du décès d’un proche, que faire ? Immédiatement, dans la journée, les trois jours ou la semaine qui suivent. Explication par des spécialistes, comme Hélène, conseillère funéraire2.
Elle précise qu’un groupe de parole s’est créé en 2017 et a réfléchi à la création d’une coopérative funéraire, non privée, dont le bénéfice servirait aux droits des endeuillés. Mais sur le plateau, les décès n’étant annuellement pas si nombreux que ça, il ne s’agirait pas de piquer de la clientèle aux pompes funèbres artisanales existantes, à Bourganeuf, Eymoutiers, Meymac ou Aubusson ; même des pompistes et fleuristes parfois travaillent dans le secteur. Donc Hélène a choisi plutôt de travailler avec eux, en soutien.
La réglementation est épaisse, avec tout ce que l’on n’a pas le droit de faire, et donc tout ce que l’on peut essayer de contourner.
Statistiquement, on meurt en France à 70 % à l’hôpital. Tout dépend de la manière dont on vieillit, rester à la maison demande un boulot d’anticipation, les maladies longue durée occasionnent des séjours réguliers à l’hôpital. Si on meurt à la maison, les vivants sont confrontés à la réalité, celle du corps mort. Avant le décès et le jour du décès, c’est aux familles de décider et s’organiser, les proches ou la famille de cœur, les voisins… soit la « communauté » du défunt3.
La première personne qui vient, ou à contacter : le médecin, qui officialise la mort et établit un certificat médical de décès. Et impose la mise en bière s’il y a danger de contagion et autres circonstances exceptionnelles. Si le décès a lieu à l’hôpital, la famille peut voir le défunt pendant 48 h hors cercueil. Puis il s’agit de déplacer le corps du lieu du décès jusqu’au lieu où reposer. Elle doit donc se poser quelques questions : Autorise-t-elle les visites ? Souhaite-t-elle que son défunt soit veillé ? À la maison, ou en chambre mortuaire privée (ou municipale), ou dans celle de l’hôpital – trois jours gratuits ? S’il y a déplacement, c’est en corbillard, via les pompes funèbres.
À la maison, des contraintes techniques s’imposent car il y aura transport et manipulation du défunt (y penser avant, son poids, le parcours et la chambre à aménager, etc.), un cercueil, une température stable, entre 10 et 15°C maxi, sera nécessaire dans la pièce sinon il faudra louer une table réfrigérée.
Explications : les corps réagissent différemment, les transformations peuvent être très rapides, avec des marbrures, des traces jaunes et des œdèmes, des poches de gaz, etc. Ce qui occasionne parfois des discussions avec les pompes funèbres pour comprendre pourquoi le corps n’est pas visible. À savoir : légalement, on ne peut pas interdire les visites. Qui que ce soit peut venir en chambre mortuaire, famille, cousins, parents directs ou non, amis…
La toilette mortuaire, c’est à dire le nettoyage du corps, impliquant de boucher les orifices – actes externes – peut être faite par un proche, certains pratiquent déjà des soins quotidiens depuis des années, notamment avec des personnes âgées impotentes. Pour eux, il est possible que pratiquer ces soins sur leur défunt ne soit qu’une continuité. À Bordeaux et Rennes, des coopératives accompagnent les familles dans la pratique de ces soins.
Autre solution, les soins de conservation, on remplace le sang par un liquide formolé, qui redonne des couleurs au défunt, selon l’état du corps (un infarctus donne une tête rouge). Des recherches sont en cours pour remplacer le formol, qui est polluant et qu’on retrouve dans les sols des cimetières puis dans les ruisseaux à proximité.
70 % des défunts subissent ces soins alors qu’ils ne sont pas obligatoires. À l’hôpital il y a déjà eu un travail de toilette par le personnel soignant et le corps repose dans une cellule réfrigérée donc il n’y a pas besoin de plus… Les vêtements, rien d’obligatoire non plus (attention de bien enlever les pacemakers, et autres prothèses si incinération à venir). Éviter les vêtements en polyester pour les problèmes de décomposition.
Le cercueil est obligatoire. Le modèle « crémation » est en pin, pour l’inhumation il est en feuillu, sinon en pin des Landes ; le cercueil en carton est possible, mais fabriqué souvent en Thaïlande, il est très minoritaire, les pompes funèbres s’octroient une belle marge dessus. En cas d’inhumation dans un caveau, à cause de la décomposition plus rapide du carton, des problèmes surgissent selon la superposition des décédés déjà présents.
En cas d’incinération, le crématorium refuse souvent les cercueils cartonnés, parce que le four doit chauffer d’avantage sinon il s’encrasse avec la colle contenue dans le carton, et qu’ils sont dangereux parce qu’ils s’enflamment très vite.
Le cercueil nous appartient, il peut être construit par nos soins, 22 mm d’épaisseur minimum, 4 poignées, étanche et avec une plaque d’identité. Les familles ont sept points4 à respecter vis-à-vis de la préfecture et du transport. Ce sont surtout les pompes funèbres qui se protègent contre les plaintes des endeuillés, car des « incidents » sont arrivés lorsque les cercueils n’étaient pas assez solides.
« Les rencontres mortelles » autour de Samaïn5 sont organisées par l’association Par la racine. En 2024 elles auront lieu aux Plateaux Limousins à Royère-de-Vassivière (23) les 31 octobre et 1, 2 et 3 novembre.
- Voir l’excellent dossier sur la mort dans LTC no27, nov-déc 2019, p. 15 à 18.
- Formation de trois mois avec diplôme à la clé, visant à travailler en pompes funèbres ou en indépendant·e, pour aider les familles, les groupes autour de l’organisation des cérémonies, aider la gestion des cimetières avec les municipalités…
- Pour simplifier nous utiliserons la formule « la famille » qui peut donc être très élargie, selon les circonstances.
- Contacter Hélène, auprès de Par la racine ou les nombreux articles et annexes officiels resonance-funeraire.com/reglementation/4926-cercueils-ce-que-change-la-nouvelle-reglementation-du-1er-janvier-2019
- Samaïn est l’une des quatre fêtes religieuses celtiques, qui célèbre le passage à la période sombre – fin d’automne-hiver.
Par CHRISTOPHE RASTOLL