Au menu : Elles ont retrouvé le flux instinctif*
Par hasard ou par apprentissage volontaire, des femmes occidentales
parviennent à retenir leur sang menstruel et à se passer de toute forme de protection hygiénique. À la clé : meilleure hygiène intime, économies substantielles, contribution à l’écologie et sentiment
de souveraineté retrouvée. Voici leur méthode…
La « continence des règles », cette capacité à retenir le flux menstruel et à l’évacuer comme on va aux toilettes est la norme pour les femmes des peuples autochtones. Mais en Occident – civilisation oblige ? – toutes seraient contraintes d’utiliser tampons, serviettes hygiéniques et autres coupes menstruelles. Toutes ? Plus maintenant ! Car certaines sont parvenues à retrouver cette compétence dont la maîtrise semble plus aisée qu’il n’y paraît… Connue dans le monde anglo-saxon sous le terme de « free flow instinct », elle a été révélée aux internautes francophones en 2013 par Lena Abi Chaker. « C’est par le hasard d’une randonnée en montagne que j’ai découvert que je pouvais me passer de tampons et autres protections », écrit Lena. « Alors que j’étais déjà arrivée à la moitié de la montée vers le sommet, mes règles sont arrivées sans prévenir. Je n’avais absolument rien amené pour me protéger. Je me suis dit tant pis, on verra bien. À mon retour à la maison, alors que je m’attendais à découvrir une énorme catastrophe rouge, je ne vis qu’une petite tache. » Relatée six ans plus tard sur un blog, l’aventure de Lena a fait le buzz. L’occasion pour la globe-trotteuse de faire des émules et de découvrir qu’elle n’était pas seule. Ainsi, plusieurs internautes racontent, vidéos à l’appui, comment elles sont parvenues elles aussi à maîtriser leur flux. Parfois, cela prend une seule nuit, parfois plusieurs mois… « Tout est une question de confiance », indique Lena qui, après sa première expérience montagnarde, a affiné sa maîtrise jusqu’à pouvoir dormir sans aucune protection : « Quand je dors, je n’ai à aller aux toilettes que le matin. Parfois je me lève une fois dans la nuit les deux premiers jours. »
Les conseils de Lena
Au départ, essayez chez vous ou dans un endroit tranquille équipé de toilettes ou dans la nature sauvage.
Ne mettez simplement pas de protection valable. De simples sous-vêtements noirs, un peu de papier toilette ou un tissu, juste au cas où, mais rien de vraiment absorbant. Le but : être consciente de n’avoir pas de protection pour que les muscles se contractent inconsciemment. Ce n’est pas fatigant.
Au bout d’une ou plusieurs heures, de même que vous sentez lorsque vous devez faire pipi, vous sentirez qu’il y a du sang à évacuer. À ce moment, allez aux toilettes.
La nuit, ne mettez pas de protection : de même que vous ne faites pas pipi au lit, le flux menstruel se met au repos ou les muscles se contractent naturellement. À vos débuts, vous pouvez mettre un linge sur votre lit au cas où…
Même à la piscine, ça marche ! À vous de tester et de faire votre propre expérience.
Avec des règles normales, il faut aller aux toilettes toutes les deux ou trois heures pendant les deux premières journées. Ensuite, l’évacuation se fait surtout le matin au lever, et le reste au moment où l’on va aux toilettes.
Une fois la confiance acquise, vous pouvez continuer à l’extérieur. Il suffit d’avoir un accès aux toilettes.
Si ces conseils paraissent simples, le témoignage de Lena a tout de même suscité pas mal de questions, voire de l’incrédulité sur la toile. Pour tenter d’y répondre, je l’ai questionnée ainsi qu’une autre pratiquante de longue date, Carine Phung Van, journaliste fondatrice de la revue d’alimentation vivante Le Chou Brave.
Voici leurs réponses :
Faut-il avoir renforcé son périnée pour pratiquer le free flow instinct ?
Carine Phung Van : Il n’y a pas de prérequis nécessaire au niveau du périnée, si ce n’est décider d’en prendre conscience. Personnellement, mon périnée manquait de tonus après ma troisième grossesse. Pour autant, cela ne m’empêchait pas de pratiquer le free flow instinct.
On peut donc pratiquer après une grossesse ?
C. P. V. : Oui. Dans mon cas, le fait d’avoir enfanté n’a créé aucun inconvénient. Et je ne suis pas la seule. J’ai commencé assez rapidement après mon retour de couches, au moment où les règles sont surabondantes.
Les règles abondantes empêchent-elles de pratiquer ?
C. P. V. : Il est évidemment plus simple de commencer quand on a un flux léger et court dans le temps. Mais le contraire ne constitue pas une impossibilité. Simplement, il faut parfois aller souvent aux toilettes. En déplacement, s’il n’y a pas de possibilité d’aller aux toilettes, je prends une protection.
Et en cas de règles douloureuses ?
Lena Abi Chaker : Techniquement, cela n’est pas un empêchement. Ce ne sont pas les mêmes muscles qui font mal. J’avais encore des règles douloureuses à mes débuts. Mais il est vrai que quand on a mal, on n’a pas forcément envie de tester de nouvelles choses. Avec un anti douleur, ça change tout.
Faut-il manger d’une certaine façon ?
C. P. V. : L’alimentation peut être une aide mais pas une obligation. Quand j’ai commencé, je mangeais sans produits laitiers et avec un peu de gluten. Je n’étais pas végétarienne. Mais après cinq ans d’alimentation vivante, il n’y a même plus vraiment de jour où le flux est très abondant…
L. A. C. : J’ai mangé de plein de façons différentes depuis que je pratique. Aucune différence.
Le free flow est-il réservé aux jeunes femmes toniques ?
C. P. V. : Quand j’ai commencé, j’avais 30 ans, trois enfants et je n’étais pas franchement en forme après plusieurs années de nuits entrecoupées…
Quel muscle retient le sang dans le free flow instinct ?
L. A. C. : Peut-être le col de l’utérus ou certains muscles le long du vagin, car je sens que ça se contracte bien plus haut que le périnée…
C. P. V. : Ce que je sens, c’est que c’est contracté à l’intérieur en longueur et que le sang se maintient en haut un moment, puis quand le moment presse, il semble que c’est vraiment le dernier muscle tout en bas à la sortie qui retient.
Y-a-t-il un exercice à faire ?
C. P. V. : Non. Et inutile de forcer sur le périnée. Il suffit d’être en synergie avec son corps, le laisser travailler de lui-même et ne pas se mettre la pression.
Et si ça ne vient pas ?
C. P. V. : Il ne faut pas se décourager, mais continuer à s’intéresser à la manière dont son propre corps fonctionne. Surtout ne pas recourir aux protections internes du type coupes menstruelles, tampons ou éponges car elles coupent du ressenti. On peut mettre des serviettes lavables par exemple.
1 – extrait d’un article paru dans le n°101 du lot en action