Un OACAS en construction sur le plateau de Millevaches
On n’a pas encore trouvé une grande et belle solution pour tout régler, tous les problèmes dans lesquels nous nous sommes collectivement embourbés… Pourtant il existe des chemins, tracés par les passages à répétition, faits de convictions, de bonnes volontés, d’entêtement voire d’acharnement, de certitudes, de connaissances de l’histoire, de ras-le-bol…
Emmaüs et ses OACAS (organisme d’accueil communautaire et d’activités solidaires) ne sont pas parfaits, mais sont sur ces chemins-là. Le panneau à l’entrée du chemin est clair : « Nous partons par là, parce que l’autoroute que vous nous proposez, ce monde emmuré, nous ne nous y résignerons pas. »
L’association Montagne Accueil Solidarité (M.A.S) de Peyrelevade, qui porte aujourd’hui la création de l’OACAS sur le plateau, a été créée en avril 2016, suite au démantèlement de la jungle de Calais et la création du CADA (centre d’accueil de demandeurs d’asile) dans la région. Une envie d’accueillir mais autrement, avec plus de liberté, de liens et sans la violence du cadre administratif français. En 2017, de solides fondations sont posées avec l’achat de la Maison aux Volets Rouges à Tarnac. « Ce lieu sert de refuge ou d’étape à des personnes qui ont été déboutées du droit d’asile et qui se retrouvent à la rue, à des personnes qui viennent d’arriver en France ou qui y vivent depuis longtemps mais dans des situations très précaires. ». Mais en juillet 2018 une série d’expulsions vient secouer le territoire jusque-là plutôt épargné. En réponse, des mobilisations, des manifestations et une tribune rédigée dans Médiapart avec une déclaration forte : « Il n’y aura pas d’expulsion sur la Montagne Limousine ! »
EXILÉ.ES BIENVENU.ES !
Dans le parcours migratoire, on passe, entre autres, par tout un labyrinthe administratif, un temps long dans l’attente du papier, du sésame qui autorisera à travailler, à se déplacer librement, à respirer, à se projeter.
En écoutant les témoignages ici, autour de moi, sur le plateau de Millevaches et ailleurs, une des choses dont on se rend vite compte c’est que même pour les personnes qui ont la chance d’être dans une structure d’accueil, il manque quelque chose, les gens s’ennuient. C’est une évidence qui vient à l’encontre de la rhétorique habituelle, les gens aiment travailler, participer à la vie, au commun. C’est le constat qui a été fait au sein des groupes M.A.S, et pour y remédier, pour permettre aux personnes sans titre de travail d’avoir une activité et d’obtenir un statut, l’OACAS est la seule possibilité.
Organisme d’accueil communautaire et d’activités solidaires
Connaître ces mots ne suffit pas à comprendre l’acronyme, la définition la plus simple et complète que j’ai trouvée est celle qu’en fait la communauté de la Roya : OACAS est un « agrément porté nationalement par la fédération Emmaüs France. Les communautés Emmaüs font de l’accueil inconditionnel, c’est-à-dire qu’elles accueillent les personnes quelle que soit leur origine, religion, conviction, et situation administrative, mais dans la limite des places disponibles. Les personnes accueillies, sans domicile fixe ou en situation de précarité importante, sont appelées « compagnes » et « compagnons ». Elles sont logées, nourries, blanchies, accompagnées socialement et elles participent à une activité (qui n’est pas du salariat) : dans notre cas il s’agit d’agriculture, les autres communautés faisant majoritairement du bric-à-brac (collecte d’objets, réparation, recyclage, et revente). […] Les compagnes et compagnons touchent un pécule à la fin du mois, qui n’est pas un salaire mais une « allocation communautaire » (pour leur appartenance à la communauté) de [400] €1. Le montant de l’allocation communautaire est défini chaque année par le Conseil National des Compagnes et Compagnons. Les communautés agréées cotisent à l’URSSAF sur la base de 40 % du SMIC, ce qui permet aux compagnes et compagnons de bénéficier de tous les droits qui découlent du régime général de la protection sociale : arrêt de travail et indemnités journalières, accident du travail, retraite, congés, etc. »
Il s’agit simplement d’organiser un accueil, inconditionnel et digne.
En parallèle des actions déjà en place depuis plusieurs années, l’association M.A.S de Peyrelevade est allée visiter plusieurs OACAS et a décidé d’intégrer le réseau Emmaüs ; elle est officiellement en période de probation depuis le mois de juin 2024. Le projet, monté par des habitants de plusieurs villages, a pour objectif in fine de développer trois lieux d’hébergements et d’activités à Tarnac d’abord, puis à Faux-la-Montagne et à Felletin.
Afin d’améliorer les conditions d’accueil, un nouveau lieu est acheté, la Maison des Rameaux, plus spacieux ; il y a un salon qui servira d’espace communautaire ainsi que d’autres espaces pour développer les activités qui soutiendront financièrement le fonctionnement, en effet les communautés OACAS doivent trouver leur autonomie financière. En attendant, l’association a reçu une aide de la région pour 3 ans, ainsi que de l’argent de fonds privés et des dons de particuliers. La Maison aux Volets Rouges est en vente. Dans la Maison des Rameaux, les travaux sont en cours.
La première salariée, Flo, est embauchée à plein temps et travaille à la rédaction des documents relatifs à l’hygiène et au développement des recettes de la conserverie, en cours de construction au rez-de-chaussée de la Maison des Rameaux. La production des conserves pourrait commencer l’été prochain. En plus de la conserverie, la communauté met en place une activité de traiteur, du maraîchage et un élevage de poules pondeuses. Deux autres salariés sont en train d’être embauchés à mi-temps, un pour la comptabilité et l’autre comme traiteur.
L’activité de traiteur est lancée pour des événements, séminaires mais aussi pour les particuliers : il est possible de venir chercher son repas à la Maison des Rameaux (10 rue du Champ des Rameaux à Tarnac) les jeudis, vendredis et samedis. Le menu est publié sur la liste de diffusion yaquoisurlamontagne et sur la page facebook Montagne Accueil Solidarité, réservation bienvenue au 07 49 78 37 42.
Le projet est plutôt bien perçu localement, l’association a démontré sa capacité à accueillir. Il y a un historique et on sait déjà que c’est une structure vouée à un petit nombre de personnes. Pour l’instant cinq compagnons habitent la Maison aux Volets Rouges, un est sur le départ, les quatre autres souhaitent intégrer l’OACAS. Il s’agit d’une femme et trois hommes, tous les quatre ont la vingtaine et sont exilés. Pour un temps ou pour longtemps, tant qu’ils le souhaitent, le plateau les accueillera.
- Valeur actualisée.
Par MARIE DA SILVEIRA