Le secteur de l’immobilier s’embrase en Corrèze

Mais que se passe-t-il donc en Corrèze ces temps-ci ? A la recherche d’une jolie demeure en campagne, on entend dire ici ou là que, dans certains secteurs du département, les maisons se vendraient comme des petits pains (ce qui n’est pas peu dire !). Aussitôt l’annonce publiée, les agents immobiliers (tout au moins celles et ceux que nous avons rencontrés) croulent sous les appels, dont bon nombre s’avèrent inutiles puisque le bien (c’est ainsi qu’on s’exprime dans le milieu…) « a été vendu dès les premières heures ». Allons bon !
Est-ce à dire que les acheteurs du moment sont en capacité de débourser des sommes conséquentes (plusieurs dizaines voire plusieurs centaines de milliers d’euros), comme ça, là, sur un coup de tête ? Oui, manifestement.
Ce qui amène à la question de savoir qui sont ces gens (nombreux en ce moment, répétons-le) qui ne sauraient s’embarrasser d’une étude de crédit et seraient en capacité d’investir cash dans la belle pierre (de préférence) campagnarde.
Côté agent immobilier, la réponse est quasiment unanime : « Une bonne partie d’entre eux sont des Toulousains, Parisiens ou Bordelais » (ou assimilés) qui cherchent un coin tranquille où ils pourront s’abriter en famille si un prochain confinement se profile. » Passer le printemps 2020 enfermés dans leur appartement en ville ne les a manifestement pas mis en joie. On le comprend. « Certains d’entre eux achètent même par téléphone, sans même se déplacer ! »
Diable ! C’est que ça soulève des questions tout ça. Qu’est-ce qu’ils vont venir faire en Corrèze tous ces gens-là ? Planter des choux ? Des carottes ? Participer quotidiennement à la vie locale ? S’investir dans les associations ? Certainement pas ! Si l’on en croit nos agents de terrain, « il s’agit manifestement de futures résidences secondaires », qui ne seront par conséquent habitées qu’une (petite) partie de l’année ou en période de quarantaine.
Et alors ? Alors peut-on du coup se réjouir de voir les plus belles demeures du coin changer ainsi de statut ? Que vont devenir nos villages s’ils sont le plus souvent vides de leurs potentiels habitants, tous volets fermés, portails verrouillés et pancarte « Propriété privée. Interdiction d’entrer » pendant la plus grande partie de l’année ? Manquerait plus que les proprios absents nous mettent tout ça sous vidéo-surveillance ! C’est qu’il en va de la dynamique du département ! Et de l’ambiance générale, qui risque bien de changer dans nos contrées.
En prime, pour qui cherche actuellement à se loger ou à se reloger, les conséquences sont désastreuses : pas moyen de négocier le moindre prix pour une maison puisqu’elle trouve son nouveau propriétaire en moins de temps qu’il ne faut pour se projeter dans cette éventuelle nouvelle vie. Pas le temps de réfléchir ! Tu visites (ce qu’il reste à visiter…) : tu prends ou tu ne prends pas ! « Oui mais là, quand même, il faudrait prévoir quelques travaux, non ? Ce n’est pas vraiment en très bon état… » Peu importe ! « Mais 150 000 € pour une maison dont les fenêtres s’ouvrent pile sur la route nationale, c’est un peu cher, non ? Et les vitres qui tremblent toutes les deux minutes au passage d’un poids lourd, c’est normal ? Parce que l’annonce précisait Dans un écrin de verdure quand même… » Peu importe !
Les vendeurs trouveront acquéreurs sans tarder, et ils le savent ! Du délire !¹
Vous me direz que, eux, au moins, les vendeurs, se frottent certainement les mains ! Le marché est actuellement florissant et il y a moyen d’en mettre de côté, puisque les prix, immanquablement, montent. Banquiers et notaires ne sont certainement pas en reste, c’est que ça engendre de la transaction et des mouvements financiers tout ça, et donc quelques retombées juteuses ici ou là.
Ah ? Mais c’est de la croissance alors ? Et donc des bonnes nouvelles ? Que demande le peuple ? Que demande le peuple corrézien ?
Ben ça ma p’tite dame on ne sait pas trop : on ne le lui a pas demandé, au peuple, surtout s’il est corrézien. Puis on s’en fout, d’ailleurs.
Résumons. Tel que c’est parti, peut-être, et au vu de l’engouement général actuel, certains coins du département de la Corrèze (comme par exemple le secteur d’Argentat-sur-Dordogne), les plus jolis en l’occurrence, sont en train de passer aux mains de citadins en mal de campagne lorsqu’une crise sanitaire se profile. Ça met la pression sur le marché de l’immobilier, ce qui ne peut être qu’au détriment de la population locale, propriétaires vendeurs, banquiers et notaires exclus.
Mais pourquoi la Corrèze d’ailleurs ? Pourquoi en particulier la Corrèze ? Y aurait-il un lien avec la montée prévisible des océans dans les prochaines décennies ? Avec cette étude qui raconte que notre département et je ne sais plus quel autre resteront certainement les derniers îlots de verdure vivables lorsque la montée des eaux aura tout englouti ? Dame ! C’est qu’il va falloir en accueillir du monde au creux de nos forêt, c’est vrai… Bon.
Reste cette remarque d’un paysan du coin, résigné : « Ils nous font le coup régulièrement aux beaux jours, les citadins, mais après un bon hiver corrézien, ils sont calmés ! En général, un bon tiers d’entre eux lâche l’affaire et repart en sens inverse ! »
Puisses-tu dire vrai mon ami… Et puisse le prochain hiver nous ramener quelques neiges…

1 Voir l’excellent article « Le Covid a-t-il provoqué un boom immobilier ? » publié ce mois-ci par nos camarades d’IPNS, journal du plateau de Millevaches. Voir aussi la brochure «  Logements vides, ça suffit ! » présentée par le Syndicat de la montagne limousine et jointe à ce même numéro d’IPNS.

stlaf