Le feuilleton des Régionales – Épisode 2 : Toujours professionnels !

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Dans l’épisode précédent, nous avons croisé un sortant qui veut rentrer, le sosie de la nièce de la fille et un trotskiste insoumis y compris dans son parti. Ce mois-ci, notre second et dernier bestiaire régional comprend une ancienne combattante au sang neuf, un caméléon vert et blanc, un chasseur de palombes étrangères et l’hologramme clignotant d’Alain Juppé. Verdict des urnes, le 20 juin prochain.

« Se vogliamo che tutto rimanga com’è, bisogna che tutto cambi »1 ? Comment paraître renouveler son offre politique sans rien changer ? C’est le défi éternel qu’ont à relever celles et ceux qui font profession d’élections dites démocratiques. Faire du neuf avec des vieux et des vieilles est un métier à part entière. Un métier d’autant plus difficile qu’une majorité d’électeurs ne se déplacent même plus, mettant en question la légitimité de l’opération. « Les français sont des veaux »2, disait le général de Gaulle, peu reconnaissant pour le suffrage universel qui l’avait plébiscité. On verra si les Néo-Aquitains lui donnent encore raison.

Quand l’ancienne combattante apporte du sang neuf

À tout seigneur tout honneur. Après avoir dragué sans succès le sortant Rousset3, le parti du Président a finalement décidé de marcher seul ; mais comment se démarquer d’une gestion passée dont ne rougirait pas le maître des horloges ?

On prend la secrétaire d’État aux anciens combattants, ancienne mairesse, conseillère départementale et régionale, députée et dirigeante du jeune et vaillant parti de François Bayrou ; rien que du neuf et du créatif : « changement de cap … autre gouvernance … rééquilibrage… proximité… ».

En connaisseurs, on fustige « l’usure du pouvoir », non sans préparer une alliance au second tour avec les juppéistes qui n’ont gouverné que vingt-cinq ans. Qu’un « sang neuf » abreuve nos sillons avec la ministre des commémorés.

Vert caméléon : le bébé Rousset émancipé

À force de se tortiller comme un lézard, le Ver(t) a muté en caméléon. Ce Girondin vert avait trouvé gîte et couvert chez le Girondin rose, lui devant et moi derrière, un mélange kaki rosé. Cette fois, il ambitionne le kaki vert, moi devant et lui derrière.

Les Verts sont décidément des clients difficiles. Il nous faut régulièrement reclasser les fiches. Une fois dans la boite de gauche, une fois dans la boite de droite, une fois boite au centre.

Dans nos jardins corréziens, on connaissait « les radicaux, comme les radis, rouges à l’extérieur, blanc à l’intérieur et toujours près du beurre »4. Jacques Chirac en était un à l’origine.

Dans le cadre d’une nécessaire rotation des cultures, le radis a laissé place à la courgette : « verte à l’extérieur, blanche à l’intérieur, mais toujours cliente au bon beurre ».

Si vous avez dans votre environnement des relations qui cherchent à se donner bonne conscience sans perdre aucun de leurs privilèges, conseillez-leur le Vert caméléon, garanti neutre sur facture.

Chasse à la palombe, au Vert et à l’étranger

Vous avez aimé Chasse, pêche, nature et traditions, vous adorerez le Mouvement de la ruralité. C’est le même avec des chaussettes vertes, président du parti et toujours candidat aquitain. Cette fois il est soutenu par le béarnais Lassalle, tête de file des députés sexistes.

L’homme est déjà conseiller régional sur la liste des Républicains. Ce fan du regretté Jean-Pierre Pernot a un dada, la chasse à la palombe et à l’écologiste. C’est aussi un défenseur acharné des libertés : « Renforcement des moyens mis à disposition des forces de police, re-développement des forces de renseignements liées à la sécurité intérieure, sécurisation renforcée aux frontières nationales et européennes, fin de la complaisance face aux lieux de radicalisation, expulsion du pays de toute personne étrangère sortant des limites posées par les lois de la République », écrivait-il en 2016. C’est aussi une fin politique : « Si la droite nous avait vraiment soutenus, il y aurait moins de FN dans les campagnes ». Vous croyez ?

L’ex-dauphin pilote veut rebondir

Notre Républicain (LR) avait succédé à Alain Juppé comme maire intérimaire de Bordeaux quand « le probablement meilleur d’entre-nous »5 est parti réveiller le président du Conseil constitutionnel Laurent Fabius. Son cumul légal d’indemnités chômage avec celles d’élu municipal, départemental et régional ne lui a pas facilité la tâche, pas plus que son ancien poste de secrétaire général du groupe immobilier Pichet auquel un terrain municipal est octroyé en 2016 sans appel d’offre. En 2020, Il réussit à perdre une mairie tenue par les mandataires de la bourgeoisie bordelaise depuis soixante-quinze ans. Un exploit. Qu’à cela ne tienne, l’homme n’en est pas à son premier échec, il sait rebondir. Battu en 2008 aux départementales, il se récupère à la communauté urbaine, avant d’être élu aux régionales en 2010. Puis il rechute aux législatives de 2012 et 2017. 2021, il s’accroche. Pas d’autre choix pour garder un job quand la politique est votre métier.

J’allais oublier de citer l’obligatoire candidat de Lutte ouvrière, comme toujours candidat à sa ré-non-élection, « pour faire entendre le camp des travailleurs ». Il croisera son ex-camarade à LO, Philippe Poutou, qui se revendique aussi du camp des travailleurs, mais avec le travailleur Mélenchon.

Gilles

1 « Si nous voulons que tout reste pareil, il faut que tout change » dit Tancredi dans « Le Guépard » de G.T. di Lampedusa

2 De Gaulle, mon père, entretiens de Philippe de Gaulle avec Michel Tauriac, 2003

3 C’est notre Djebbari régional qui était chargé de la mission finalement avortée.

4 Vieille formule datant des années soixante-dix du 19ème siècle, quand les radicaux, à gauche politiquement, étaient à droite économiquement et… toujours au gouvernement.

5 Phrase célèbre du Grand, Jacques Chirac en 1995, pour qualifier celui qui trinquera ensuite pour les emplois fictifs de la Mairie de Paris, mis en place par le même Grand.