Des jeunes dans la vieille ville

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L’association La Calade, « ateliers partages de l’Hôtel du Sénéchal » continue de s’installer tranquillement au 14 rue de la Justice dans ce beau bâtiment ancien d’Uzerche, à pierres apparentes. Un lieu de résidence privée, précise Guillaume, l’archéologue du groupe ; cette rue était habitée par de nombreux fonctionnaires, au 17ème siècle, comme le Sénéchal, qui achetaient des charges de justice, des privilèges donc. Le roi leur déléguait son pouvoir et les fonctionnaires se rétribuaient sur les affaires qu’ils jugeaient. Uzerche était une ville de lettrés, chirurgiens, artistes, etc. Le bâtiment, appartenant aujourd’hui à la Municipalité, avait servi de gendarmerie dans les années 1960 (il reste un cachot), logé une école de filles… Plus récemment, il avait accueilli l’association Archéologie Paysage et la Maison de la poésie, qui ont déménagé il y a six ou sept ans.

Comment êtes-vous arrivés là ?

Dans une logique de suivi : cet endroit a logé des associations, « Pourquoi pas nous ? », se souvient s’être demandé Lucie. Nous nous sommes rencontrés, nouveaux habitants d’Uzerche, installés principalement dans la vieille ville, et comme on avait envie d’une vie professionnelle plus riche, plus collective, de construire quelque chose ensemble, on a cherché un lieu à partager avec des ouvertures et des espaces importants nécessaires pour des artistes, plasticiennes, dessinateurs, vidéastes, un atelier de luthière-archetière, des bureaux, un labo d’archéologie… On a cherché plus bas dans la rue, en face de chez nous…
En juillet 2019 un premier évènement est organisé, ici, dans le bâtiment vide, avec des musiciennes et dessinateurs. On avait apporté dans nos « bagages » une cantine solidaire et l’envie de continuer ce projet collectif, et d’autres idées : des idées qui réclamaient un lieu vaste. Donc on a contacté la Mairie qui a dit oui pour nous louer cette vieille bâtisse. Nous avons un espace de 500 m2 sur deux niveaux, partagé en deux : l’étage pour les ateliers et le rez-de-chaussée pour les espaces communs.
La Mairie nous a fait un loyer assez bas vu que les frais de chauffage étaient importants… On chauffe peu ou pas du tout les espaces où l’on ne travaille pas ou qui ne sont pas occupés en permanence.

Plus précisément, vous êtes…

Le groupe a changé depuis l’été 2019, nous sommes actuellement [septembre 2023] onze personnes : dessinateurs, plasticiennes, musiciens, artisans, archéologue…
Chacun a ses activités professionnelles indépendantes. On n’avait pas prévu les interactions entre nous, les projets communs, de se croiser et d’avoir des pratiques transversales. Fanny a fait l’affiche de campagne de fouille de Guillaume, les certificats d’authenticité de Lucie pour ses archets, Margaux et Flore (peintres plasticiennes) préparent une expo ensemble, une pièce de céramique a été cuite dans le four d’Amélie (dessinatrice, céramiste).

Et vous faites…

Nous organisons des évènements réguliers ou ponctuels : avec un réseau d’artistes musiciens, des concerts sont proposés, des expos, différentes actions en collaboration avec le cinéma d’Uzerche par exemple ou les associations locales. Nous sommes aussi investis à l’extérieur, dans des projets collectifs.
Voici les ateliers réguliers : une fois par mois, cantine solidaire (voir encadré) ; les mardis, chorale du Chœur de la Manu (collectif Lost In Traditions de Chamboulive) ; deux dimanches par mois, atelier des cordes (même organisateur) ; tous les mercredis, atelier Systema, un art martial. Ça découle de nos activités, de ce que l’on a envie de partager, des opportunités, en fait. Et des demandes, précise Guillaume, des groupes qui recherchent une salle, un lieu, pour quelques jours jusqu’à… trois mois ! Beaucoup de gens nous contactent, un peu les mêmes métiers, avec un besoin de travail collectif, d’espaces et selon la place dans les ateliers, les bureaux, disponibles ou non. Certains après de petites périodes d’essai, en résidence, ont eu envie de rester à Uzerche ! Camille, Flore, Audrey, Martin…

Et donc, dénouement final ?

Depuis un an le groupe est stable et pour cause, il a fallu se concentrer et peaufiner le projet d’achat, car dès le début nous savions que la Municipalité voulait vendre le bâtiment. Cela s’est concrétisé en septembre 2022 avec l’appel à candidature ; le délai était court, mais il a été rallongé. Et on s’est focalisés sur ce montage de projet. On a réfléchi pour qu’une autre structure, du type Terre de Liens, rachète à notre place, et non pas notre petite asso.
Finalement nous avons monté le projet final La Calade avec L’Arban, une foncière locale, active sur le plateau de Millevaches, qui sera propriétaire. Nous, nous signons un bail.
Le maire a soutenu notre projet et le conseil municipal a voté pour. On a remporté l’appel à projet. La vente a lieu à l’automne.
L’Arban a monté le projet final, avec création d’une SCIC. Le bâtiment coûte 100 000 euros, et cet achat plus les travaux de rénovation et d’isolation (pris en charge par les membres de La Calade et par des artisans) vont être financés par un emprunt et des financements participatifs.

C’est un projet à dimension humaine, qui permet de faire perdurer notre projet collectif, et la dimension éthique de L’Arban nous plaît : la rénovation sera écologique, au niveau des matériaux et de la conservation du bâtiment, qui a un fort intérêt patrimonial. Ils sont spécialistes, ils ont aidé l’Amicale mille feux (Lacelle, en Corrèze), le collectif Lost In Traditions…
C’est un vrai projet de revitalisation du bourg ancien, cela permet d’éviter Airbnb, en faisant en sorte qu’il y ait une ville habitée au quotidien. On habite d’ailleurs dans Uzerche pour les trois quarts d’entre nous. On est contents de participer un peu à ça.
Contents aussi de sortir de cette période d’incertitude – trois ans de questionnements. On va pouvoir faire des frais, démarrer des travaux importants, investir dans du matériel. On a encore des demandes d’arrivées potentielles !

CHRISTOPHE RASTOLL