CAMPAGNE D’AFFICHAGE LIBRE en Corrèze

Depuis le 1er juillet, le Conseil Départemental a mis en place de nouveaux espaces d’affichage libre en Corrèze. Quarante-sept exactement. Cette belle idée est née de la décision du gouvernement, le 15 juin dernier, de limiter la vitesse à 80 km/h sur la plupart des routes de France. Certes, jusqu’ici, on ne voit pas le rapport avec l’affichage libre. Et pourtant !

L’existence de zones de dépassement où la vitesse passe alors à 90 km/h a contraint le département à signaler aux automobilistes, qu’en début de zone, donc, la vitesse maximale est portée à 90 et qu’en fin de zone, elle repasse à 80 km/h. Ceux qui ont traversé d’autres départements cet été l’auront constaté : ailleurs, après ces zones de dépassement, un panneau indiquant 80 nous renseigne sur la conduite à tenir au volant. Mais en Corrèze, que nenni. Pascal Coste étant opposé, comme tant d’autres, à cette nouvelle limitation, il a refusé de faire installer des panneaux 80. Il a opté pour des panneaux « B31 » (ronds, fond blanc cerclés de noir, barre noire transversale), qui signifient : « Fin de toutes les interdictions précédemment signalées, imposées aux véhicules en mouvement ». Et puis, sous ces panneaux ronds, il y a fait ajouter un petit panneau rectangulaire sur lequel on peut lire « Le nouveau monde vous demande de ralentir ». Certains journalistes y voient une mention « pleine d’humour »¹. Des contribuables se sont semble-t-il indignés de cette démarche façon « private joke ». Aussi, dans un article paru dans le Populaire du Centre, Pascal Coste assure avoir « payé de sa poche ces stickers (quaranre-sept en tout, au prix unitaire d’environ 10 €). »²

Affichage libre …

De notre côté, nous avons peu ri mais un peu réfléchi à cette situation atypique. En effet, si c’est Pascal Coste qui a payé de sa poche les stickers, il l’a donc fait en tant que citoyen, comme nous le sommes tous, et non en tant que Président du département. Soit. Si un citoyen a la possibilité d’éditer des stickers et de les accoler ou, plus problablement, de les faire accoler, aux frais du département, c’est alors qu’il s’agit d’un droit pour tous. Et il est vrai que nous manquons cruellement d’espaces d’expression libre en Corrèze. Il est difficile de faire passer des messages, des informations, des opinions… dans l’espace public. Désormais, nous avons à notre disposition quaranre-sept panneaux permettant à chacun de s’exprimer de façon visible pour les automobilistes corréziens. Pourtant, nous n’avons trouvé nulle trace de cette politique nouvelle en Corrèze sur le site du Département. Pas de procédure à suivre pour solliciter les services départementaux afin de faire apposer vos stickers personnalisés. D’ailleurs, doit-il forcément s’agir de stickers, ou bien pouvons-nous y coller des affiches, utiliser une bombe de peinture ? Étrangement, il semble que rien n’ait été voté par nos élus départementaux.

… ou trafic d’influence ?

Puisqu’on se doute bien qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle politique d’affichage libre, alors de quoi s’agit-il ? Un élu, qui utilise du matériel public (les panneaux rectangulaires), qui fait peut-être bien travailler les agents du Département ou bien une entreprise privée aux frais du Département – personne ne rapporte avoir surpris Pascal Coste fin juin ou début juillet, arpentant les routes de Corrèze – pour y faire coller ses stickers personnels, alors que les autres administrés n’ont pas cette possibilité… il doit bien y avoir une définition de cela quelque part.
Et on a trouvé ! C’est le code pénal, qui définit le mieux cela. L’article 432-11 indique : « Est puni de dix ans d’emprisonnement et d’une amende de 1 000 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction, le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public, ou investie d’un mandat électif public, de solliciter ou d’agréer, sans droit, à tout moment, directement ou indirectement, des offres, des promesses, des dons, des présents ou des avantages quelconques pour elle-même ou pour autrui : 1° Soit pour accomplir ou avoir accompli, pour s’abstenir ou s’être abstenue d’accomplir un acte de sa fonction, de sa mission ou de son mandat ou facilité par sa fonction, sa mission ou son mandat ;
Soit pour abuser ou avoir abusé de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d’une autorité ou d’une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable. »

Alors, oui, bien sûr, on peut se dire que ce n’est pas si grave, et puis que monsieur Coste ne tire pas de bénéfice financier direct de cette histoire. Sauf que c’est une opération de communication efficace, et que c’est contraire à la loi, quoiqu’on en pense. Qu’il s’agit même d’un délit et, alors que dans notre pays, un jeune homme peut écoper de trois mois de prison ferme pour le vol d’une bûche de chèvre³, il serait peut-être temps pour les citoyens d’être un peu plus exigeants envers leurs élus.

Pascal Coste a d’ailleurs annoncé qu’il porterait plainte après la dégradation de certains panneaux aux abords de Tulle. Si l’infraction est caractérisée au niveau des panneaux B31, nous sommes vraiment curieux de voir comment la justice se positionnera en ce qui concerne les panneaux rectangulaires…

Des panneaux règlementaires ?

Pour répondre à cette question d’importance, nous avons contacté le service de sécurité routière de la préfecture, qui nous semblait le plus compétent. La réponse a été transparente :
« Le département a sans aucun doute vérifié la conformité des panneaux. Le mieux est de le joindre, ils vous donneront la réponse. » Nous avons insisté, demandant l’avis des services de l’État, puisque c’est l’État qui définit cette réglementation ; la réponse a été : « sans doute puisque le Département les a apposés. »
Le lendemain, ces mêmes services de l’État nous ont contactés, précisant que c’était en fait au service presse de la préfecture de nous répondre. Nous les avons donc joints : « Je crois que le panneau n’est pas réglementaire, étant donné l’information délivrée, mais je vérifie et vous rappelle. »
Le service de gestion des routes du Département joint nous a répondu « Je transmets le message, nous vous rappellerons au numéro qui s’affiche. »
Enfin, l’association de prévention routière interrogée nous a fait cette réponse « L’information n’est pas réglementaire, après… savoir si on a le droit ? Difficile car le texte est limite. »

Finalement, le mieux, c’est peut-être de demander à Pascal Coste directement…

1 – https://bit.ly/2BvKzLQ
2 – https://bit.ly/2L5aTfA
3 – https://bit.ly/2wl6RuZ