Peut-on s’opposer à la liberté ? à priori non. On s’y accroche. C’est donc ainsi que nous sont présentées les nouvelles dispositions de loi. Paradoxe de la modernité : elles ne visent plus à réglementer mais à déréglementer. Elles le revendiquent et nous promettent un monde plus libre.
La loi Macron est un bon exemple. Elle se nomme loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. Joli. Ce texte fourre-tout de 308 articles vise selon le ministre de l’économie à guérir les « trois maladies » de la France : « défiance », « complexité » et « corporatisme ». Eh bien ! Dans le détail, il est tellement fourre-tout qu’au dernier moment le gouvernement a tenté d’y introduire en catimini un article entérinant le centre de stockage des déchets radioactifs à Bure, dans la Meuse. Grosse maille. Tellement grosse maille que le conseil d’état a dit non. Il va falloir faire un texte spécifique sur cette question. C’était pourtant une belle avancée contre la défiance, la complexité et le corporatisme…
Voilà pour cette loi sans esprit. Elle est en fait un ensemble de mesures techniques au but de briser les cadres. Elle ne luttera donc pas contre le paradoxe. Plus précisément, il s’agit de déréglementer d’un côté : pour rendre plus libre l’entrepreneuriat dans divers domaines (travail le dimanche, transport en car, libéralisation des professions réglementées… ) Et il s’agit dans le même geste de tenter de réglementer d’un autre : pour cadrer et restreindre les droits des salariés, particulièrement en cas de licenciement ou de conflit. Et puis, continuer la vente des actifs de l’État à hauteur de cinq milliards pour les réintégrer dans l’économie. Soit : transformer du bien public en bien privé. Un pilage en bonne et due forme qui s’inscrit dans la continuité de la politique socialiste depuis 1983.
Quelle doxa cache ses aménagements techniques ? Nous constatons que dans le domaine économique, elle est de réduire au strict minimum la démarche de collectivisation pour accéder à un surcroît de liberté individuelle. La liberté d’entreprendre est la doctrine. Ceux qui n’y accèdent pas devront s’y plier. Le salariat devient une sous-
catégorie de homo-economicus. L’employé fonctionnaire se retrouve comme sous-catégorie de la sous-catégorie. Parce qu’il est rémunéré par un argent public, moins légitime. Cette hiérarchie qui s’impose peu à peu ne considère évidemment pas la question du salaire universel pour tous. Au contraire, elle renforce plus encore le lien entre production et rémunération et accentue aussi l’opposition entre l’individu et le collectif.
Ne pas avoir de compte à rendre. Gagner son argent par soi-même. Ne pas être un assisté. Ne pas dépendre de l’argent public. Voilà ce qu’on entend couramment partout. La liberté est à ce prix. Une forme de lobotomie. La loi Macron libère encore plus la concurrence dans des domaines comme celui du notariat. L’argument est toujours le même : cette concurrence permettra de faire baisser les prix et rendre accessible aux plus démunis les biens et services. Qui peut donc s’opposer à cela ? Vous serez plus libres, vous serez plus riches. Pour ceux qui s’y penchent un peu, ils comprennent aisément que les conséquences de plus de liberté pour les uns en entraîne moins pour les autres. Mais nous n’allons tout de même pas défendre les notaires…